
Les marchés mondiaux ont connu un début d’année positif. Toutefois, l’année à venir ne sera probablement pas sans risques, alors que les conditions économiques se détériorent. David Sykes, chef des placements à Gestion de Placements TD (GPTD), discute des occasions et des défis pour les marchés ainsi que de la stratégie de GPTD pour gérer l’incertitude.
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1 [LOGO SONORE] * Parlons du début de l’année – janvier a été assez solide, le meilleur pour l’indice S&P 500, apparemment depuis 2019. De toute évidence, les inquiétudes persistent, et peut-être que la banque centrale partage certaines de ces préoccupations également. Que devrait-on penser à ce sujet? * Oui, c’est un très bon début d’année. Toutefois, si je pense à la croissance, à l’échelle mondiale, au Canada et aux États-Unis, le PIB est relativement faible. Les consommateurs tiennent bon mais les placements, le logement, ont été assez faibles. On a accumulé d’importants stocks aux É.-U. et ça ne se poursuivra probablement pas. À l’échelle mondiale, en Europe, les indices PMIs ont été lents. Il y a aussi la réouverture de la Chine, ce qui est positif, mais je crois qu’on observe un ralentissement de la croissance. Et la vraie question que le marché se pose est s’il s’agit d’une légère récession ou d’un atterrissage brutal. * Oui, les perspectives de croissance... Le FMI s’est montré un peu plus optimiste cette semaine, mais il semble que ce soit toujours une cible mobile, peut-être sur une base quotidienne. Quand j’essaie de comprendre ce que les gens disent à propos de la possibilité d’une récession, ça semble changer de jour en jour. * Oui, c’est vrai. Je pense que ça dépend beaucoup du nombre de hausses supplémentaires et de combien de temps on reste à un certain niveau. Je pense que ça dépendra vraiment des données sur l’inflation. On a constaté une baisse de l’inflation, qui est passée de 9,1 % aux É.-U. à 6,1 % par rapport à l’inflation globale. Les chiffres de base sont un peu plus faibles. Je pense que les prochains mois nous en diront plus sur ce qui se produit actuellement, en raison de l’effet de base. Je pense que la tendance générale est à la baisse, mais rien n’a encore été décidé. Il y a certains problèmes dans le secteur des services où les salaires demeurent élevés. Les prix des biens diminuent, les coûts de transport ont fortement diminué, mais je crois que ce doute général subsiste dans l’esprit de certains investisseurs à savoir si on a vraiment réglé le problème de l’inflation une fois pour toutes, et ramené le taux à la cible de 2 %. * Je pense que le président Powell a mis le doigt sur cette question aujourd’hui. Il est clair que le logement et d’autres secteurs ont ralenti, mais on surveille le secteur des services. Si cette tendance persiste et devient plus difficile à maîtriser, est-ce qu’on devrait commencer à croire la Fed plus que le marché obligataire, et qu’on va ramener les taux à un certain point, les laisser là pendant un certain temps, et croire qu’ils vont rester à long terme? * Oui, et je pense que ce serait vraiment différent des attentes du marché. Je pense que c’est là où le risque se situe. Je ne suis pas certain que ce soit le scénario de base, mais je crois que le risque est que les salaires commencent à se maintenir. Je pense, comme vous l’avez souligné, le marché s’attend à une baisse de l’inflation. Si on regarde les statistiques, comme les possibilités d’emploi aux États-Unis, par exemple, les données de ce matin font état de 11 millions de possibilités d’emploi. La population active compte environ 6 millions d’Américains à la recherche d’un emploi. * Ce ratio est normalement de 1 pour 1 mais il est actuellement à environ 1 pour 8, ou 1 pour 9, ce qui veut dire que beaucoup de gens cherchent du travail, mais il y a presque deux emplois disponibles pour chaque personne sans emploi. Cette situation donne un certain pouvoir aux travailleurs, ce qui pourrait vouloir dire que l’inflation persistante des salaires et des traitements durera plus longtemps. Je pense que si ce scénario se concrétise, ce sera le principal risque pour le marché. Les taux d’intérêt seront un peu plus élevés que prévu, pendant beaucoup plus longtemps que prévu. Je ne pense pas que ce serait très avantageux pour les bénéfices des sociétés et pour les évaluations sur le marché. * Parlons-en un peu, parce que, bien sûr, les banques centrales ont fait les manchettes ces derniers jours et on est en pleine période d’annonce des bénéfices. Quelles sont les répercussions réelles ou possibles sur les bénéfices? * Une des choses qu’on doit s’assurer de comprendre est qu’il y a eu beaucoup de hausses l’an dernier par les banques centrales, la Fed, la Banque du Canada et partout dans le monde. Ça prend du temps. Il y a donc un effet de décalage. On n’a pas encore vu les impacts de ces hausses, mais je pense qu’il est juste de dire qu’au quatrième trimestre du cycle de bénéfices américains, on va commencer à les voir. Les revenus se maintiennent. On prévoit une croissance des revenus d’environ 4 % sur 12 mois, et la croissance des bénéfices est présentement négative de 2 %, selon les prévisions. Ça va un peu mieux. Les bénéfices vont probablement rester stables ou être légèrement en baisse sur 12 mois. * Mais ce qui nous préoccupe, ce sont les marges, et les marges commencent à diminuer. Je dirais aussi qu’en ce qui concerne les prévisions, il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui disent : « Oui, ce sera une excellente année et on reprend nos activités, on est convaincus que 2023 sera une année fantastique pour les bénéfices des sociétés ». Je pense que de notre point de vue, il y a toujours des révisions à la baisse qui sont présentées et, bien sûr, au bout du compte, les marchés boursiers reposent sur les bénéfices et le taux de croissance de ces bénéfices. Je pense qu’on n’a pas encore vu toute l’ampleur de ces révisions à la baisse. * Et ça m’amène à penser aux évaluations. Qu’est-ce qu’on est prêts à payer pour ces bénéfices? Est-ce qu’ils se reflètent objectivement dans l’état actuel du marché? * Oui, je pense qu’ils sont un peu élevés pour nous. Les prévisions de bénéfices pour 2023 s’établissaient à plus ou moins 250 $ il y a environ un an. Elle ont diminué à environ 230 $. Sur le marché, ça nous donne un ratio de 18 sur le marché, par rapport à ce qu’on avait l’habitude de voir, comme des multiples de 15 à 16 fois. On peut donc dire que les bénéfices ont fluctué un peu, que les prix sont un peu élevés. Mais je crois qu’il est préférable d’examiner la question selon un taux sans risque et, tout à coup, les taux des obligations sont maintenant concurrentiels. Si on examine l’inverse de ce ratio cours/bénéfice, jetons un coup d’œil au ratio bénéfice/cours, qui est à environ 5 % et 0,5 %. Ça semble intéressant, mais si on le compare à un taux de 3 % et de 0,5 % pour le Trésor américain à 10 ans, le fait de s’aventurer sur le marché des actions ne rapporte qu’une prime de risque sur actions de 200 points de base. Ceci étant dit, de notre point de vue, les évaluations sont un peu élevées. * On vient de parler du contexte dans lequel on évolue en tant qu’investisseurs, parlons maintenant de la stratégie de placement pour cette année. * Oui, alors pour la TD, du point de vue de la direction, je pense qu’il est juste de dire qu’avec la remontée des taux, on est en fait bien dispersés et positionnés en ce qui concerne les titres à revenu fixe. Selon nous, c’est un contexte où les taux sont attrayants. On peut constituer un portefeuille de titres à revenu fixe avec un rendement dans les 4-5 %, et donc on va surpondérer les titres à revenu fixe, surpondérer les obligations d’État, mais aussi les titres de créance de sociétés de grande qualité, sans encore parler d’obligations à rendement élevé, car je pense que les écarts doivent s’élargir encore un peu. Du côté des actions, on voit une légère sous-pondération du Canada, beaucoup de problèmes au niveau des dettes des consommateurs au pays et de préoccupations à l’égard du logement. * De même aux États-Unis, on a parlé des évaluations, et on pense qu’elles sont un peu excessives et qu’il pourrait y avoir une plus grande baisse. On fait comme la Chine. On voit une surpondération de la Chine pour ce qui est de la réouverture des marchés. Je pense qu’on a vu beaucoup de bonnes données économiques et que les évaluations étaient très raisonnables, voir bon marché, donc une surpondération du côté des titres à revenu fixe et une sous-pondération du côté des actions. Et en ce qui concerne nos activités liées aux placements alternatifs, je crois que c’est un aspect très important sur lequel les investisseurs doivent se concentrer. Ce n’est pas nécessairement accessible à tous les investisseurs, mais si on pense à l’immobilier, à l’immobilier industriel, aux immeubles multirésidentiels, aux bureaux, on pense qu’il s’agit d’un élément très important d’un portefeuille, en plus de nos offres de dette privée et de nos prêts hypothécaires privés, et on est à peu près neutres dans ce segment, un peu en sous-pondération pour l’immobilier canadien, il y a peut-être quelques fluctuations de l’économie canadienne, mais on est plutôt optimistes à l’égard de la dette privée et en surpondération à l’égard des prêts hypothécaires. * De toute évidence, en tant que stratégie après ce qu’on a vu l’année dernière, les titres à revenu fixe sont très logiques pour les raisons que vous avez expliquées. On obtient un coupon qui nous procure un bon rendement, quand on pense à la fin du cycle de hausse des taux, quels sont les risques associés à cette stratégie? Il y a quand même des risques, non? * Oui. Il y a toujours des risques. Je crois qu’il s’agit essentiellement de deux grands risques. Le premier risque concerne ce qu’on ne sait pas. On ne savait pas que la COVID allait survenir, on ne savait pas que toutes ces mesures de relance allaient faire grimper l’inflation en flèche. Il y a donc toujours un risque lié à l’inconnu. Mais je pense que le plus grand risque réside en fait dans le marché de l’emploi. La main-d’œuvre va-t-elle continuer d’être aussi solide? À l’heure actuelle, après toutes les hausses de taux de la Fed et de la Banque du Canada, le taux de chômage au Canada est de 5 %, et celui aux États-Unis est de 3,5 %. C’est là que la bataille contre l’inflation sera gagnée ou perdue, et je pense que le grand risque est que les marchés du travail restent serrés pendant plus longtemps, les salaires représentent une part importante des services, et si ça continue d’augmenter, je pense qu’il y a raison de s’inquiéter de la hausse des taux et de ce que ça signifie pour les évaluations tout au long de l’année 2023. * On a donc un scénario de base, avec les risques qui y sont associés. Si un investisseur tente de bien comprendre tout ça pour mieux se protéger, particulièrement après l’an dernier, car je vois beaucoup de gens qui veulent simplement bien s’en sortir cette année. Comment y parvenir? Comment peut-on se protéger? * Pour moi, ça semble toujours banal et simpliste, mais si on parle des 3 prochaines heures, des 3 prochains jours, des 3 prochaines semaines c’est très difficile d’y parvenir. Mais si on a horizon de placement raisonnable à titre d’investisseur à long terme, je pense que le contexte actuel est bien meilleur qu’il ne l’était il y a 2 ans. Les évaluations, lorsqu’elles ont atteint des sommets historiques, n’étaient pas raisonnables, et aujourd’hui, pour se protéger, il faut essentiellement trois choses, qui sont la qualité, la qualité et la qualité. Il s’agit des obligations de sociétés de qualité. C’est grâce à des placements en actions de qualité que les sociétés génèrent des liquidités et les retournent. Et c’est la même chose du côté de l’immobilier (des propriétés de catégorie A). Elle permet de s’assurer que les normes de souscription de nos prêts hypothécaires privés sont très bien couvertes. C’est donc vraiment la qualité, la qualité et la qualité. C’est ce que recherchent la plupart des investisseurs ayant une perspective à long terme, et cette approche leur permettra d’atteindre leur objectif. Il y a des hauts et des bas, mais beaucoup moins de volatilité que dans d’autres trajectoires qu’on pourrait choisir. [LOGO SONORE] [MUSIQUE]