Les produits de base nécessaires au virage écologique verront probablement une hausse de leur prix durant la prochaine décennie. Les répercussions sur les placements pourraient toutefois aller largement au-delà des métaux essentiels à une transition vers un monde sans carbone. Kim Parlee en discute avec Daniel Ghali, VP, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD.
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Daniel, c’est un plaisir de vous avoir avec nous. Je vais entrer dans le vif du sujet. Vous abordez beaucoup de sujets dans votre rapport. Mais une chose m’a marqué, vous dites que quatre secteurs pourraient être touchés de façon importante par la transition énergétique : les secteurs qui changent la donne, le virage écologique, les perturbateurs et les produits de base obsolètes. Pouvez-vous me parler un peu de chacun d’entre eux? Commençons par les secteurs qui changent la donne.
Bien sûr. D’abord, merci, Kim, de me recevoir. L’élément central de cette idée est que la décarbonisation sera un des thèmes dominants de la prochaine décennie. Et cela aura des répercussions importantes sur les investissements. Nous classons ce phénomène dans quatre catégories différentes.
Je dirais que les secteurs qui changent la donne sont ceux qui vont connaître une croissance spectaculaire. Ce sont les secteurs qui découlent directement du virage écologique. Par exemple, les énergies renouvelables, les véhicules électriques, etc. Le deuxième secteur est un peu moins évident, ce sont les produits de base nécessaires au virage écologique, c’est-à-dire les fournisseurs de composants. Donc, les matières premières qui sont nettement liées aux secteurs qui changent la donne. Avec l’augmentation des véhicules électriques, nous aurons besoin de beaucoup plus de cuivre, de beaucoup de plus de nickel pour les batteries, etc.
Ensuite, il y a les secteurs perturbateurs. Ce sont ceux pour lesquels les gouvernements réduiront la capacité afin d’atteindre leurs objectifs de carbone. Par exemple, la capacité d’aluminium en Chine cette année a été considérablement réduite, car les gouvernements tentent de contrôler les émissions de carbone. Je dirais que la dernière catégorie importante ici, ce sont les produits de base obsolètes. Ce sont les produits de base qui demeureront essentiels pour la transition énergétique, mais dont l’offre sera naturellement restreinte par le secteur, et les produits pétroliers en sont un parfait exemple.
Tout à fait, car les prix montent en flèche à court terme, mais comme moins de capitaux sont investis dans le secteur, c’est tout à fait logique. Une ligne de votre rapport a aussi attiré mon attention : « La crise énergétique actuelle pourrait certes avoir d’importantes ramifications macroéconomiques mondiales, mais c’est aussi un détonateur en puissance qui engendrera une crise énergétique plus importante plus tard. » Pourquoi parlez-vous de crise énergétique?
Tout à fait. Cette année, nous avons déjà été connu une crise énergétique assez importante, avec les prix du gaz naturel en Europe qui atteignent 200 $ le baril en termes de baril d’équivalent pétrole. On l’a déjà constaté. Mais, cette année, la crise a surtout été causée par des conditions météorologiques extrêmes et des défaillances politiques. Cela a aussi mis en évidence certaines vulnérabilités de nos infrastructures énergétiques, ce qui justifie l’importance d’être prudent à l’avenir.
Pour en revenir à nos produits de base obsolètes, il y a deux points à considérer. Premièrement, la demande de pétrole va diminuer à un rythme beaucoup plus lent que l’offre, parce qu’il demeurera essentiel à la transition énergétique. On peut le dire sans se tromper, car en modélisant les ventes de véhicules électriques, même en supposant une pénétration assez agressive du marché, le parc automobile mondial restera composé à 90 % de moteurs à combustion interne ou de véhicules essence traditionnelle et diesel. On imagine donc qu’au cours des 10 prochaines années, la demande de pétrole ne baissera que très lentement.
Pour ce qui est du deuxième point, l’offre est naturellement limitée par le secteur. Comme vous l’avez mentionné, les prix du pétrole ont atteint des sommets inégalés depuis dix ans, mais, lorsqu’on examine le nombre d’installations mondiales de forage pétrolier, il n’est pas à la hauteur du niveau historique des prix. Et cela donne à penser que l’ensemble du secteur s’attèle maintenant à atteindre les objectifs de carboneutralité, ce qui a une incidence sur l’offre actuelle.
Il me reste environ trois minutes, Daniel, j’aimerais aborder des points spécifiques. Selon vous, jusqu’où les prix du pétrole vont-ils grimper?
Eh bien, dans ce genre de scénario, il ne faut pas beaucoup d’imagination pour voir les prix du pétrole dépasser leurs sommets historiques précédents et atteindre presque le double par rapport à aux niveaux actuels.
Et pour ce qui est des principaux produits de base, ceux qui seront impliqués dans le virage écologique, le cuivre, l’aluminium, etc. comment voyez-vous ces marchés évoluer?
Oui, bien sûr, selon nous, le pétrole est l’un des produits de base, dont l’impact sur les prix est important, mais ce n’est pas le seul. Les produits du virage écologique, comme le cuivre et le nickel, se démarquent aussi. Quand on pense à la façon dont nous allons électrifier nos économies entières, tout dépendra de ces métaux. Et nous savons que la demande de cuivre, par exemple, va doubler au moment de la carboneutralité. La demande de nickel va quadrupler, car il est utilisé dans les batteries. Il est donc question d’une croissance phénoménale qui est le résultat direct du virage écologique.
Pour en revenir aux secteurs perturbateurs, je dirais que l’aluminium se démarque. Et déjà, les gouvernements du monde entier, mais en particulier la Chine cette année, réduisent de façon proactive la capacité du secteur des fonderies d’aluminium. Et comme vous le savez, la Chine est un grand producteur d’aluminium, et sa capacité totale a peut-être déjà été atteinte aujourd’hui.
Le problème, je suppose, pour les investisseurs qui nous écoutent, c’est qu’il y a beaucoup de produits de base qui augmentent par rapport à cet important changement qui est en train de se produire. La difficulté, pour de nombreux investisseurs, est de savoir s’il faut investir dans le produit de base par le biais de FNB ou de contrats à terme, ou dans les producteurs. Et c’est compliqué avec les producteurs parce qu’il y a l’inflation, toutes sortes de choses pourraient se produire. Que pensez-vous de cela?
Oui. C’est une excellente question. Et je dirais que ces ingrédients dont nous avons parlé nous laissent envisager un prochain supercycle des produits de base. Mais il y a un risque de mauvaise utilisation de nos fonds et de ne pas capitaliser autant que possible. Tout dépend donc du produit dont il est question.
Et pour les produits de base dont le prix augmente parce que l’offre est restreinte, les producteurs pourraient en fait tirer de l’arrière sur les prix des produits de base. En revanche, pour les produits de base qui profitent vraiment de la croissance structurelle de la demande, je dirais que les producteurs sont aussi une bonne option.
J’aimerais pousser un peu plus loin cette réflexion et revenir à l’idée que nous voyons vraiment arriver un supercycle de produits de base. J’ajouterais qu’au cours des 10 dernières années, nous avons connu un marché baissier où le nombre d’investisseurs examinant ce type de recherche thématique et fondamentale disparaît. Il nous reste donc un terrain fertile pour des prix nettement plus élevés en raison du changement de cette demande structurelle ainsi que des entrées de fonds des investisseurs.
Daniel, vous nous avez donné amplement matière à réflexion. Excellente conversation. Vous reviendrez nous voir?
Tout à fait. Merci encore de m’avoir invité.
[MUSIQUE]
Bien sûr. D’abord, merci, Kim, de me recevoir. L’élément central de cette idée est que la décarbonisation sera un des thèmes dominants de la prochaine décennie. Et cela aura des répercussions importantes sur les investissements. Nous classons ce phénomène dans quatre catégories différentes.
Je dirais que les secteurs qui changent la donne sont ceux qui vont connaître une croissance spectaculaire. Ce sont les secteurs qui découlent directement du virage écologique. Par exemple, les énergies renouvelables, les véhicules électriques, etc. Le deuxième secteur est un peu moins évident, ce sont les produits de base nécessaires au virage écologique, c’est-à-dire les fournisseurs de composants. Donc, les matières premières qui sont nettement liées aux secteurs qui changent la donne. Avec l’augmentation des véhicules électriques, nous aurons besoin de beaucoup plus de cuivre, de beaucoup de plus de nickel pour les batteries, etc.
Ensuite, il y a les secteurs perturbateurs. Ce sont ceux pour lesquels les gouvernements réduiront la capacité afin d’atteindre leurs objectifs de carbone. Par exemple, la capacité d’aluminium en Chine cette année a été considérablement réduite, car les gouvernements tentent de contrôler les émissions de carbone. Je dirais que la dernière catégorie importante ici, ce sont les produits de base obsolètes. Ce sont les produits de base qui demeureront essentiels pour la transition énergétique, mais dont l’offre sera naturellement restreinte par le secteur, et les produits pétroliers en sont un parfait exemple.
Tout à fait, car les prix montent en flèche à court terme, mais comme moins de capitaux sont investis dans le secteur, c’est tout à fait logique. Une ligne de votre rapport a aussi attiré mon attention : « La crise énergétique actuelle pourrait certes avoir d’importantes ramifications macroéconomiques mondiales, mais c’est aussi un détonateur en puissance qui engendrera une crise énergétique plus importante plus tard. » Pourquoi parlez-vous de crise énergétique?
Tout à fait. Cette année, nous avons déjà été connu une crise énergétique assez importante, avec les prix du gaz naturel en Europe qui atteignent 200 $ le baril en termes de baril d’équivalent pétrole. On l’a déjà constaté. Mais, cette année, la crise a surtout été causée par des conditions météorologiques extrêmes et des défaillances politiques. Cela a aussi mis en évidence certaines vulnérabilités de nos infrastructures énergétiques, ce qui justifie l’importance d’être prudent à l’avenir.
Pour en revenir à nos produits de base obsolètes, il y a deux points à considérer. Premièrement, la demande de pétrole va diminuer à un rythme beaucoup plus lent que l’offre, parce qu’il demeurera essentiel à la transition énergétique. On peut le dire sans se tromper, car en modélisant les ventes de véhicules électriques, même en supposant une pénétration assez agressive du marché, le parc automobile mondial restera composé à 90 % de moteurs à combustion interne ou de véhicules essence traditionnelle et diesel. On imagine donc qu’au cours des 10 prochaines années, la demande de pétrole ne baissera que très lentement.
Pour ce qui est du deuxième point, l’offre est naturellement limitée par le secteur. Comme vous l’avez mentionné, les prix du pétrole ont atteint des sommets inégalés depuis dix ans, mais, lorsqu’on examine le nombre d’installations mondiales de forage pétrolier, il n’est pas à la hauteur du niveau historique des prix. Et cela donne à penser que l’ensemble du secteur s’attèle maintenant à atteindre les objectifs de carboneutralité, ce qui a une incidence sur l’offre actuelle.
Il me reste environ trois minutes, Daniel, j’aimerais aborder des points spécifiques. Selon vous, jusqu’où les prix du pétrole vont-ils grimper?
Eh bien, dans ce genre de scénario, il ne faut pas beaucoup d’imagination pour voir les prix du pétrole dépasser leurs sommets historiques précédents et atteindre presque le double par rapport à aux niveaux actuels.
Et pour ce qui est des principaux produits de base, ceux qui seront impliqués dans le virage écologique, le cuivre, l’aluminium, etc. comment voyez-vous ces marchés évoluer?
Oui, bien sûr, selon nous, le pétrole est l’un des produits de base, dont l’impact sur les prix est important, mais ce n’est pas le seul. Les produits du virage écologique, comme le cuivre et le nickel, se démarquent aussi. Quand on pense à la façon dont nous allons électrifier nos économies entières, tout dépendra de ces métaux. Et nous savons que la demande de cuivre, par exemple, va doubler au moment de la carboneutralité. La demande de nickel va quadrupler, car il est utilisé dans les batteries. Il est donc question d’une croissance phénoménale qui est le résultat direct du virage écologique.
Pour en revenir aux secteurs perturbateurs, je dirais que l’aluminium se démarque. Et déjà, les gouvernements du monde entier, mais en particulier la Chine cette année, réduisent de façon proactive la capacité du secteur des fonderies d’aluminium. Et comme vous le savez, la Chine est un grand producteur d’aluminium, et sa capacité totale a peut-être déjà été atteinte aujourd’hui.
Le problème, je suppose, pour les investisseurs qui nous écoutent, c’est qu’il y a beaucoup de produits de base qui augmentent par rapport à cet important changement qui est en train de se produire. La difficulté, pour de nombreux investisseurs, est de savoir s’il faut investir dans le produit de base par le biais de FNB ou de contrats à terme, ou dans les producteurs. Et c’est compliqué avec les producteurs parce qu’il y a l’inflation, toutes sortes de choses pourraient se produire. Que pensez-vous de cela?
Oui. C’est une excellente question. Et je dirais que ces ingrédients dont nous avons parlé nous laissent envisager un prochain supercycle des produits de base. Mais il y a un risque de mauvaise utilisation de nos fonds et de ne pas capitaliser autant que possible. Tout dépend donc du produit dont il est question.
Et pour les produits de base dont le prix augmente parce que l’offre est restreinte, les producteurs pourraient en fait tirer de l’arrière sur les prix des produits de base. En revanche, pour les produits de base qui profitent vraiment de la croissance structurelle de la demande, je dirais que les producteurs sont aussi une bonne option.
J’aimerais pousser un peu plus loin cette réflexion et revenir à l’idée que nous voyons vraiment arriver un supercycle de produits de base. J’ajouterais qu’au cours des 10 dernières années, nous avons connu un marché baissier où le nombre d’investisseurs examinant ce type de recherche thématique et fondamentale disparaît. Il nous reste donc un terrain fertile pour des prix nettement plus élevés en raison du changement de cette demande structurelle ainsi que des entrées de fonds des investisseurs.
Daniel, vous nous avez donné amplement matière à réflexion. Excellente conversation. Vous reviendrez nous voir?
Tout à fait. Merci encore de m’avoir invité.
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