
Les marchés ont connu leur pire semaine de 2019 en proie à la montée des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Une récession est-elle à nos portes? Anthony Okolie parle avec Michael Craig, chef de la répartition des actifs, Gestion de Placements TD.
Pour répondre, revenons à mercredi dernier. La Fed a annoncé une baisse de taux, comme prévu, mais Powell s’est montré un peu maladroit en conférence de presse. D’abord, il a sous-entendu qu’il n’y aurait pas d’autre baisse, pour se contredire après. Et le marché a mal réagi.
En somme, les investisseurs s’arrachent les obligations à long terme et se départissent des obligations à court terme, ce qui aplatit la courbe. Ce n’est pas— C’est un signal d’alarme du marché obligataire. Parce que les attentes de croissance future sont faibles, on est partis du mauvais pied.
Et Trump a annoncé sur Twitter des droits supplémentaires de 10 % sur 300 G$ de biens chinois. Alors les troubles qui assaillaient déjà le marché ont été amplifiés par son annonce. Depuis, il n’y a pas eu de désescalade dans le conflit commercial entre les É.-U. et la Chine. Alors évidemment, le marché a dégringolé sous la pression.
Prévoyez-vous une reprise des marchés?
La baisse se chiffre à 6 %. Encore 4 %, et ce serait une correction normale de 10 %. Les marchés devraient rester relativement volatils en août, et sûrement jusqu’au début de septembre. Aucun des deux camps ne semble vouloir céder, alors il faut s’attendre à connaître une période un peu plus volatile, un peu moins confortable. Par ailleurs, c’est précisément le temps pour les investisseurs dont l’horizon de placement est plus long d’acquérir à moindre coût des titres dévalués.
Et croyez-vous qu’il y ait un risque de récession mondiale?
Il y a certainement des marchés qui semblent indiquer l’approche d’une récession mondiale, mais je suis d’avis que non. Je crois que—
Pourquoi donc?
la croissance aux É.-U. laissera à désirer. La tendance est de 2,5 % en réalité. Ce sera moins. Plutôt dans les 1 % pour le deuxième semestre, ce qui n’est pas inhabituel. En période d’expansion, il y a des ralentissements de la croissance. On l’a vu en 2015.
Mais l’an prochain, à mesure que la Fed abaissera ses taux – ce qu’elle devrait continuer de faire à notre avis –, l’économie sera stimulée, et devrait connaître une relance en 2020. Ces ralentissements sont synonymes de forte volatilité et de rendements boursiers limités, sans être négatifs. Mais il devrait y avoir un rebond l’an prochain. Et la croissance cette année reste de 14 %, ce qui n’est pas mauvais pour les investisseurs, à date.
Alors pas de récession, mais un risque de ralentissement de la croissance économique mondiale?
La situation sera inégale. Les économies qui dépendent beaucoup de l’exportation se portent mal en ce moment. La Corée du Sud, Taïwan, l’Allemagne, d’autres pays européens : ils traversent une période difficile. Leur production dépasse la demande intérieure, alors ils dépendent beaucoup de leurs exportations auprès d’autres pays.
Et avec toutes ces nouvelles de guerre commerciale et de droits de douane, ce sont eux qui posent le plus de risque. C’est pour ça que notre Comité de répartition des actifs s’est distancé de l’Europe et du Japon en faveur surtout des É.-U. Voilà les zones à éviter, je crois. Les É.-U. nous inspirent de l’optimisme. C’est là le centre de la productivité, qui abrite les compagnies les mieux gérées au monde, alors je me concentre beaucoup sur cette partie du globe.
Au Canada, l’économie est généralement équilibrée, avec une main-d’œuvre assez productive et un marché boursier relativement abordable. C’est donc neutre pour le Canada, avec un possible intérêt pour dénicher des occasions puisque d’un point de vue d’évaluation boursière, le Canada est de plus en plus attrayant pour le reste du monde.
Vous avez mentionné la volatilité. Vous attendez-vous à ce qu’elle augmente d’ici la fin de l’année?
Très intéressant, comme question. Ça vaut la peine de répondre en détail. Dans les années 90, la volatilité se maintenait à des niveaux élevés. On s’y était habitués en quelque sorte. Le hic, avec le marché, c’est qu’il passe par des périodes de volatilité latente plutôt tranquilles. On peut tomber dans un faux sentiment de sécurité. Puis viennent des épisodes de volatilité soudains et assez pénibles.
Nous croyons que la période actuelle de volatilité élevée risque de se prolonger. Je ne m’attends pas à ce que les choses se calment à court terme. Il y a des événements importants qui se profilent qui pourraient provoquer d’autres pics de volatilité : le Brexit en octobre, les tensions soutenues entre les É.-U. et la Chine, et, bien sûr, les élections de 2020 aux É.-U. Autant d’événements majeurs à venir qui vont produire beaucoup de volatilité.
Michael, merci beaucoup de votre temps.
Merci pour l’invitation.
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