
Malgré les incertitudes politiques persistantes aux États-Unis et les éclosions de COVID-19 partout dans le monde, il pourrait y avoir des raisons d’être optimiste à l’égard de l’or, de l’argent et du pétrole. Kim Parlee en discute avec Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD.
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Mon prochain invité a récemment écrit : « Malgré l’incertitude entourant l’issue des courses sénatoriales en Géorgie et la deuxième vague de COVID-19 qui sévit dans le monde, il y a plusieurs raisons d’être optimiste à l’égard des perspectives pour 2021 concernant les produits de base. » Il s’agit de Bart Melek, chef mondial, Stratégie relative aux produits de base, Valeurs Mobilières TD. Et je l’accueille maintenant.
J’ai rigolé un peu, Bart. Je n’aurais sûrement pas dû. D’entrée de jeu, vous dites de faire abstraction de certains facteurs de taille. Mais en dépit de ces facteurs, il semble que... Les perspectives augurent bien pour les produits de base.
Oui, c’est ce qu’on croit. Du moins, sur la base de ce qui se passe en Asie – en Chine, plus particulièrement. Beaucoup d’indicateurs économiques sont revenus plus ou moins à leurs niveaux pré-COVID. Évidemment, des obstacles se dressent en exportation, principalement parce que les économies occidentales tournent encore au ralenti, mais il reste que l’Asie se porte plutôt bien.
En même temps, on anticipe des mesures de relance assez importantes. Et je m’attends à en voir aux États-Unis, quelle que soit l’issue des courses sénatoriales en Géorgie. Je pense que les Américains n’ont pas d’autre choix. Ce qui me semble difficile à prédire, c’est l’ampleur exacte de cette relance. Mais relance il y aura.
Et le troisième élément qui soutient les produits de base du point de vue de la demande, c’est bien sûr la politique monétaire. On peut s’attendre à des taux d’intérêt nuls dans un avenir prévisible, du moins dans les quelques années à venir. On verra probablement aussi tôt que demain la Réserve fédérale américaine annoncer qu’elle se fait encore plus conciliante et qu’elle réduit la durée de son bilan.
Et il est concevable d’anticiper des montants élevés, voire 2,8 T$ ou 3 T$ de liquidités supplémentaires injectées dans le système financier par les grandes banques centrales au sein du G10. Et bien sûr, il y a une certaine contrainte d’offre. Globalement, ces facteurs laissent envisager un assez bon rendement du marché des produits de base.
J’aimerais qu’on aborde un peu chaque produit de base. C’est drôle... J’entends de plus en plus parler d’une offre restreinte. Ce qui se passe, de toute évidence, vous le savez – peu de choses roulent en ce moment dans beaucoup d’entreprises en raison, bien sûr, de la COVID. Elles sont mal positionnées pour stimuler le marché des produits de base. Mais parlons de... Je veux parler de l’or, de l’argent et du pétrole, si possible. Commençons par l’or. Parlez-moi un peu plus de ce que vous entrevoyez pour l’or à partir d’ici.
Je vois bien l’or dépasser les 2 000 $. Oui, la route sera parsemée d’embûches. Mais au même moment l’an prochain, l’or devrait se situer à 2 100 $ ou au-delà. Des raisons comparables justifient notre optimisme. D’abord, on pense que les taux d’intérêt réels seront négatifs. On entrevoit quelques pressions inflationnistes – et d’autres attentes à la hausse, le temps que l’économie mondiale se stabilise. Mais les banques centrales vont maintenir les taux bas. Et ça va se refléter le long de la courbe des taux. Ne vous attendez donc pas à une courbe marquée.
Rien vraiment pour inciter les gens à délaisser l’or. Les courbes vont faire en sorte de garder l’or dans le coup, si vous voulez. En même temps, la demande d’investissements sera plutôt solide. On a vu jaillir la demande d’investissements dans l’or et l’argent. Et on pense que ça va se poursuivre. Pour plusieurs raisons... C’est une couverture contre l’inflation et contre la dépréciation monétaire. Les grosses dépenses budgétaires vont entraîner des dettes énormes.
Et le Canada fait nul doute partie des pays qui impriment de l’argent pour financer ces dépenses. Les États-Unis et bien d’autres font pareil. Certains investisseurs craignent que cette pratique entraîne une dépréciation de la monnaie et entrave ainsi le rendement des titres à revenu fixe dans le contexte des taux d’intérêt réels. Alors, les investisseurs vont bien s’en tirer en achetant de l’or – probablement, y compris des FNB. Selon nous, les banques centrales vont continuer d’en acheter aussi l’an prochain.
Et comme les courbes ne permettent pas trop à l’or d’intégrer les marchés au comptant – vu les structures des taux d’intérêt, comme c’est déjà arrivé –, on sera limités sur le plan de l’offre. Je rappelle qu’on observe une baisse marquée de l’argent et de l’or en 2020, COVID oblige. Une certaine reprise s’annonce. Mais avec le temps, le taux d’augmentation de l’offre d’or – l’or physique – sera inférieur à celui de la masse monétaire. On entrevoit aussi l’affaiblissement du billet vert à long terme. C’est un autre motif d’optimisme concernant l’or.
Il y a bien plus de crochets vis-à-vis des avantages que des inconvénients. Et si vous le permettez, j’aimerais qu’on aborde l’argent. Vous l’avez dit : la contrainte d’offre pourrait affecter l’or, au même titre que l’argent. Et l’argent est un métal plus industriel, non?
Tout à fait. L’argent a cet avantage double... D’abord, c’est un métal monétaire, comme l’or. Il profite donc des mouvements macroéconomiques et monétaires dont on a parlé. Mais 60 % de l’argent est on ne peut plus industriel. À mesure que l’activité industrielle mondiale reprendra, on utilisera plus d’argent pour les appareils électroniques. On produira des condensateurs, des cartes de circuits – ce genre de choses. Il faudra plus d’argent pour les catalyseurs et les produits chimiques.
Et la demande reprendra vivement selon nous, partout dans le monde, où il faudra remplacer les catalyseurs à mesure que la demande augmentera pour les produits fabriqués. Je pense qu’il y aura aussi énormément de dépenses dans les infrastructures. Le phénomène sera planétaire et s’étendra maintenant aux États-Unis. Il est impossible de chiffrer les dépenses vu l’éventualité d’un gouvernement divisé chez nos voisins du Sud.
Mais je pense que d’énormes montants seront consacrés à la décarbonisation de l’économie.
Et l’argent est un métal qui en bénéficiera grandement. D’abord, l’argent sert à fabriquer des autos électriques et toutes les cartes de circuits Quand on vise l’électrification et la réduction de CO2, il faut beaucoup d’argent. Aussi, il y a les panneaux solaires – l’argent est bien souvent un composant dans leur fabrication. Disons qu’on s’oriente vers une économie plus verte et que les renouvelables, comme l’énergie solaire, gagnent en importance, il faut s’attendre à une plus grande utilisation de l’argent au fil du temps.
Ça n’a rien d’immédiat comme transition. On parle d’un petit montant pour l’instant. Mais avec le temps, cette transition aura lieu. Et on s’attend à un déficit cette année, en 2020, l’an prochain aussi et dans les années à venir, principalement en raison des investissements, de la demande croissante du point de vue industriel et d’une offre anémique. À terme, on pourrait voir les investisseurs se positionner de manière à resserrer encore davantage ce marché.
Un aspect intéressant des changements est cette demande structurelle pour l’argent. Il nous reste à peine 30 secondes, Bart. Pouvez-vous me donner vos perspectives maintenant pour le pétrole?
Le pétrole devrait avoisiner les 50 $ – pour le Brent et le WTI. Le prix du WTI devrait baisser un peu au deuxième semestre. On croit que la demande de pétrole finira par rebondir par quelque 6 millions de barils par jour après la chute de 9 millions de barils observée cette année. La bonne nouvelle, c’est qu’en dépit de la capacité excédentaire qui persiste, surtout du côté de l’OPEP, le tout reste très gérable. Et le marché ne risque pas d’être saturé. En fait, l’engagement au premier trimestre est de maintenir le déficit à environ 1 million de barils par jour durant le premier trimestre. On peut s’attendre à de modestes déficits pour le reste de l’année. Les efforts ciblent le délestage des stocks excédentaires.
On n’envisage rien de vraiment mieux, principalement parce que l’OPEP voudra épuiser ses réserves de pétrole. Les producteurs vont s’aligner sur la demande, ultimement. Mais au-delà de 2022, on pourrait observer des difficultés et de nombreuses contraintes en termes d’approvisionnement.
Bart, on doit s’arrêter ici. Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. Voilà des perspectives intéressantes. On se reparle dans l’année qui vient.
C’est un plaisir. Merci.
J’ai rigolé un peu, Bart. Je n’aurais sûrement pas dû. D’entrée de jeu, vous dites de faire abstraction de certains facteurs de taille. Mais en dépit de ces facteurs, il semble que... Les perspectives augurent bien pour les produits de base.
Oui, c’est ce qu’on croit. Du moins, sur la base de ce qui se passe en Asie – en Chine, plus particulièrement. Beaucoup d’indicateurs économiques sont revenus plus ou moins à leurs niveaux pré-COVID. Évidemment, des obstacles se dressent en exportation, principalement parce que les économies occidentales tournent encore au ralenti, mais il reste que l’Asie se porte plutôt bien.
En même temps, on anticipe des mesures de relance assez importantes. Et je m’attends à en voir aux États-Unis, quelle que soit l’issue des courses sénatoriales en Géorgie. Je pense que les Américains n’ont pas d’autre choix. Ce qui me semble difficile à prédire, c’est l’ampleur exacte de cette relance. Mais relance il y aura.
Et le troisième élément qui soutient les produits de base du point de vue de la demande, c’est bien sûr la politique monétaire. On peut s’attendre à des taux d’intérêt nuls dans un avenir prévisible, du moins dans les quelques années à venir. On verra probablement aussi tôt que demain la Réserve fédérale américaine annoncer qu’elle se fait encore plus conciliante et qu’elle réduit la durée de son bilan.
Et il est concevable d’anticiper des montants élevés, voire 2,8 T$ ou 3 T$ de liquidités supplémentaires injectées dans le système financier par les grandes banques centrales au sein du G10. Et bien sûr, il y a une certaine contrainte d’offre. Globalement, ces facteurs laissent envisager un assez bon rendement du marché des produits de base.
J’aimerais qu’on aborde un peu chaque produit de base. C’est drôle... J’entends de plus en plus parler d’une offre restreinte. Ce qui se passe, de toute évidence, vous le savez – peu de choses roulent en ce moment dans beaucoup d’entreprises en raison, bien sûr, de la COVID. Elles sont mal positionnées pour stimuler le marché des produits de base. Mais parlons de... Je veux parler de l’or, de l’argent et du pétrole, si possible. Commençons par l’or. Parlez-moi un peu plus de ce que vous entrevoyez pour l’or à partir d’ici.
Je vois bien l’or dépasser les 2 000 $. Oui, la route sera parsemée d’embûches. Mais au même moment l’an prochain, l’or devrait se situer à 2 100 $ ou au-delà. Des raisons comparables justifient notre optimisme. D’abord, on pense que les taux d’intérêt réels seront négatifs. On entrevoit quelques pressions inflationnistes – et d’autres attentes à la hausse, le temps que l’économie mondiale se stabilise. Mais les banques centrales vont maintenir les taux bas. Et ça va se refléter le long de la courbe des taux. Ne vous attendez donc pas à une courbe marquée.
Rien vraiment pour inciter les gens à délaisser l’or. Les courbes vont faire en sorte de garder l’or dans le coup, si vous voulez. En même temps, la demande d’investissements sera plutôt solide. On a vu jaillir la demande d’investissements dans l’or et l’argent. Et on pense que ça va se poursuivre. Pour plusieurs raisons... C’est une couverture contre l’inflation et contre la dépréciation monétaire. Les grosses dépenses budgétaires vont entraîner des dettes énormes.
Et le Canada fait nul doute partie des pays qui impriment de l’argent pour financer ces dépenses. Les États-Unis et bien d’autres font pareil. Certains investisseurs craignent que cette pratique entraîne une dépréciation de la monnaie et entrave ainsi le rendement des titres à revenu fixe dans le contexte des taux d’intérêt réels. Alors, les investisseurs vont bien s’en tirer en achetant de l’or – probablement, y compris des FNB. Selon nous, les banques centrales vont continuer d’en acheter aussi l’an prochain.
Et comme les courbes ne permettent pas trop à l’or d’intégrer les marchés au comptant – vu les structures des taux d’intérêt, comme c’est déjà arrivé –, on sera limités sur le plan de l’offre. Je rappelle qu’on observe une baisse marquée de l’argent et de l’or en 2020, COVID oblige. Une certaine reprise s’annonce. Mais avec le temps, le taux d’augmentation de l’offre d’or – l’or physique – sera inférieur à celui de la masse monétaire. On entrevoit aussi l’affaiblissement du billet vert à long terme. C’est un autre motif d’optimisme concernant l’or.
Il y a bien plus de crochets vis-à-vis des avantages que des inconvénients. Et si vous le permettez, j’aimerais qu’on aborde l’argent. Vous l’avez dit : la contrainte d’offre pourrait affecter l’or, au même titre que l’argent. Et l’argent est un métal plus industriel, non?
Tout à fait. L’argent a cet avantage double... D’abord, c’est un métal monétaire, comme l’or. Il profite donc des mouvements macroéconomiques et monétaires dont on a parlé. Mais 60 % de l’argent est on ne peut plus industriel. À mesure que l’activité industrielle mondiale reprendra, on utilisera plus d’argent pour les appareils électroniques. On produira des condensateurs, des cartes de circuits – ce genre de choses. Il faudra plus d’argent pour les catalyseurs et les produits chimiques.
Et la demande reprendra vivement selon nous, partout dans le monde, où il faudra remplacer les catalyseurs à mesure que la demande augmentera pour les produits fabriqués. Je pense qu’il y aura aussi énormément de dépenses dans les infrastructures. Le phénomène sera planétaire et s’étendra maintenant aux États-Unis. Il est impossible de chiffrer les dépenses vu l’éventualité d’un gouvernement divisé chez nos voisins du Sud.
Mais je pense que d’énormes montants seront consacrés à la décarbonisation de l’économie.
Et l’argent est un métal qui en bénéficiera grandement. D’abord, l’argent sert à fabriquer des autos électriques et toutes les cartes de circuits Quand on vise l’électrification et la réduction de CO2, il faut beaucoup d’argent. Aussi, il y a les panneaux solaires – l’argent est bien souvent un composant dans leur fabrication. Disons qu’on s’oriente vers une économie plus verte et que les renouvelables, comme l’énergie solaire, gagnent en importance, il faut s’attendre à une plus grande utilisation de l’argent au fil du temps.
Ça n’a rien d’immédiat comme transition. On parle d’un petit montant pour l’instant. Mais avec le temps, cette transition aura lieu. Et on s’attend à un déficit cette année, en 2020, l’an prochain aussi et dans les années à venir, principalement en raison des investissements, de la demande croissante du point de vue industriel et d’une offre anémique. À terme, on pourrait voir les investisseurs se positionner de manière à resserrer encore davantage ce marché.
Un aspect intéressant des changements est cette demande structurelle pour l’argent. Il nous reste à peine 30 secondes, Bart. Pouvez-vous me donner vos perspectives maintenant pour le pétrole?
Le pétrole devrait avoisiner les 50 $ – pour le Brent et le WTI. Le prix du WTI devrait baisser un peu au deuxième semestre. On croit que la demande de pétrole finira par rebondir par quelque 6 millions de barils par jour après la chute de 9 millions de barils observée cette année. La bonne nouvelle, c’est qu’en dépit de la capacité excédentaire qui persiste, surtout du côté de l’OPEP, le tout reste très gérable. Et le marché ne risque pas d’être saturé. En fait, l’engagement au premier trimestre est de maintenir le déficit à environ 1 million de barils par jour durant le premier trimestre. On peut s’attendre à de modestes déficits pour le reste de l’année. Les efforts ciblent le délestage des stocks excédentaires.
On n’envisage rien de vraiment mieux, principalement parce que l’OPEP voudra épuiser ses réserves de pétrole. Les producteurs vont s’aligner sur la demande, ultimement. Mais au-delà de 2022, on pourrait observer des difficultés et de nombreuses contraintes en termes d’approvisionnement.
Bart, on doit s’arrêter ici. Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. Voilà des perspectives intéressantes. On se reparle dans l’année qui vient.
C’est un plaisir. Merci.