Si votre enfant adulte vit à la maison ou que vous l’aidez encore avec ses paiements, vous êtes peut-être au courant de ce problème et n’avez pas besoin que les médias vous le disent : Dans l’ensemble, les jeunes pourraient faire face à des difficultés financières.
Ce n’est pas leur faute. Les salaires n’ont augmenté que légèrement au cours des 40 dernières années, tandis que le coût de la vie, en particulier le prix élevé des logements dans les grandes villes, fait en sorte que les jeunes générations n’ont peut-être pas le même niveau de vie que leurs parents au même âge. Les statistiques le confirment : la génération des baby-boomers (née entre 1946 et 1964) possède actuellement près de 50 % de la richesse totale des ménages au Canada, tandis que les milléniaux (nés entre 1981 et 1997) n’en possèdent qu’environ 8 %1.
La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation. Les économistes affirment que les milléniaux et les membres de la génération Z (nés à la fin des années 1990 et au début des années 2000), dont certains sont encore aux études et d’autres sont sur le marché du travail, souffrent de la conjoncture économique causée par la pandémie de COVID-19, où des emplois sont perdus, les revenus sont réduits et l’insécurité financière s’installe2.
Si votre enfant dans la vingtaine continue d’épargner pour se procurer une planche à roulettes au lieu d’une maison, vous savez de quoi on parle ici.
Les parents peuvent naturellement vouloir aider leurs enfants et les voir vivre leur vie, et il y a de nombreuses façons de le faire. Leur offrir un toit et de la nourriture sont des aspects évidents, et les plans familiaux d’assurance auto et de téléphones sont pratiques et très logiques. Mais à mesure qu’ils vieillissent, ils déménagent et ont encore besoin de fonds; les montants nécessaires pour les aider peuvent commencer à grimper en flèche. Certains parents s’inquiètent, à juste titre, des sommes qu’ils donnent et de la façon dont ils le font.
Tannis Dawson, planificatrice pour les clients à valeur nette élevée à Gestion de patrimoine TD, affirme que si l’on ne connaît pas la meilleure façon de donner de l’argent à ses enfants, les opérations peuvent représenter un risque élevé.
« Tout dépend de la situation personnelle de chacun et de si un parent aide un enfant à terminer ses études, à financer un mariage, à acheter une voiture ou même à acheter sa première maison », explique-t-elle en soulignant que les parents devraient d’abord s’assurer qu’ils ont les moyens d’aider. « Si les parents ne planifient pas correctement, ils pourraient exposer leur argent aux créanciers de leurs enfants ou faire face à une grosse facture fiscale s’ils ne prévoient pas les résultats de leurs opérations à court terme. »
Mme Dawson indique qu’il existe d’autres risques que les parents devraient prendre en considération, notamment ce qu’il adviendrait de leur généreuse contribution en cas de rupture du mariage ou d’un partenariat d’affaires. Alors, si vous envisagez de donner de l’argent à un ou plusieurs enfants, voici sept façons de le faire.
Donner l’argent… sans condition
La façon la plus simple et la plus économique de donner de l’argent, c’est de le donner, sans contrat, sans condition de remboursement et sans frais d’avocat. Toutefois, Mme Dawson souligne que cette façon informelle de procéder offre peu de recours advenant que les relations familiales tournent au vinaigre. Imaginons un scénario : une mère accepte de donner de l’argent à un de ses enfants pour l’aider à traverser une situation d’urgence. Des années plus tard, l’enfant pense que l’argent qu’il a reçu était un cadeau et qu’il n’avait pas à le rembourser. Un de ses frères pense plutôt qu’il s’agissait d’un prêt, car le montant était considérable. Après le décès de la mère, une situation de conflit pourrait survenir entre les enfants si un des frères considère que l’argent doit être remboursé à la succession de leur mère et que l’autre croit qu’il n’en est rien. Mme Dawson suggère que lorsque vous donnez de l’argent en cadeau sans obligation, vous devriez penser à le faire en plusieurs versements échelonnés plutôt que d’un seul coup, car, dans la plupart des cas, vous perdez le contrôle sur l’utilisation qui est faite de cet argent lorsque vous le donnez à votre enfant.
Avoir recours à un acte de donation
Un acte de donation est un contrat juridique qui documente le don d’argent d’une personne à une autre. Selon Mme Dawson, cela peut aider à éviter les problèmes liés au simple don d’argent et peut aussi protéger les fonds en cas de rupture du mariage, tant que le don est destiné à l’enfant seulement et non au conjoint. (Des problèmes peuvent également survenir si les fonds sont utilisés pour acheter la maison conjugale ou s’ils sont considérés comme faisant partie du compte conjoint d’un couple.) Il y a des frais juridiques associés à la rédaction d’un acte de donation, mais Mme Dawson souligne que le fait de donner des actifs peut aussi aider le parent sur le plan fiscal à l’avenir. Le fait d’avoir moins d’actifs signifie potentiellement moins d’impôt à payer et, en cas de décès, moins de frais d’homologation.
Préparer un prêt en bonne et due forme
Si un parent souhaite être remboursé, Mme Dawson explique que le meilleur choix est un prêt documenté préparé par un avocat ou un notaire, qui précise le taux d’intérêt et le calendrier des paiements. Des frais juridiques s’appliquent, mais les fonds d’un prêt sont protégés. De plus, un prêt peut être annulé dans un testament, de sorte que l’enfant n’aura peut-être jamais à le rembourser si tel est le souhait du parent. De cette façon, le parent peut protéger son don de son vivant et, ultimement, laisser les fonds prêtés en héritage à l’enfant à une date ultérieure. Mme Dawson note toutefois que le destinataire doit réellement payer des intérêts. Si aucun paiement n’est effectué après un certain nombre d’années, les tribunaux peuvent déclarer que le prêt est un don et annuler les protections associées à un prêt.
Mme Dawson met en garde contre le fait de rédiger votre entente de prêt autour de la table de la cuisine. En cas de désaccord sur les modalités, le contrat pourrait ne pas être exécutoire et ne pas offrir la même protection qu’un prêt régulier.
Offrir un prêt au taux prescrit
Dans le cadre de cette entente, un enfant adulte investirait les fonds reçus du parent et profiterait du revenu tiré de ces placements. Même si les prêts au taux prescrit peuvent être compliqués, qu’ils nécessitent d’importantes sommes d’argent et qu’ils ne sont pas appropriés dans tous les contextes économiques, cette méthode peut aider à s’assurer que le parent garde un certain contrôle sur l’argent et qu’il est également remboursé. Selon cette stratégie, les parents à revenu élevé peuvent prêter des fonds à un enfant à des fins de placement au taux prescrit, qui est actuellement de 1 % en date du 1er juillet 2020. L’avantage côté fiscal : le revenu du parent s’en trouve réduit, ce qui peut entraîner une réduction globale des impôts à payer. Mme Dawson explique que cette méthode exige la signature d’un billet à ordre et nécessite l’intervention d’un conseiller financier, d’un comptable et d’un avocat, car elle doit être économiquement viable pour les deux parties.
Mettre en place une fiducie
Selon Mme Dawson, l’une des meilleures façons de protéger de l’argent consiste à établir une fiducie, qui utilise également un prêt au taux prescrit. Comme le parent est souvent le fiduciaire, il garde le contrôle sur le montant et les circonstances dans lesquelles l’argent est donné. Mme Dawson admet que, comme il y a des frais juridiques et des coûts comptables récurrents, une fiducie n’est pas probablement pas une option viable à moins que des sommes importantes entrent en jeu. Si vous décidez d’aider votre enfant en lui fournissant une propriété, une option peut être une fiducie « nue », dans laquelle l’enfant devient le « propriétaire véritable » tandis que le parent détient le titre de propriété légal de la propriété. Cela permet au parent de conserver le contrôle de ses biens en cas de rupture du mariage de l’enfant ou si les créanciers en font la demande.
Fournir un prêt hypothécaire
Si un enfant souhaite acheter une maison, vous pouvez jouer le rôle de la banque (si vous en avez les moyens) et lui prêter de l’argent au titre d’un prêt hypothécaire enregistré. Le parent doit faire préparer les documents juridiques de sorte que l’enfant soit légalement obligé de rembourser le prêt, tandis que le parent a l’assurance de savoir qu’il détient la valeur nette de la propriété en cas de problème. Encore une fois, l’actif demeure à l’abri des problèmes financiers de l’enfant, le cas échéant. Comme pour un prêt régulier, le prêt hypothécaire peut être effacé dans le testament.
Acheter une maison ensemble
Mme Dawson souligne plusieurs problèmes liés à cette méthode, à commencer par le fait que cette entente peut compliquer l’exemption pour résidence principale pour les deux parties. Cela pourrait entraîner plus tard une facture fiscale salée. Deuxièmement, une fois que vous devenez copropriétaires, la décision ne peut pas être modifiée. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas en accord avec les modalités de l’entente, ni l’une ni l’autre ne peut vendre la maison sans l’autorisation de l’autre. De plus, selon Mme Dawson, si un parent est copropriétaire d’un bien et que le mariage de l’enfant prend fin, l’ex-conjoint a le droit de réclamer une part de la propriété, ce qui complique encore plus les choses.
Certains parents pourraient envisager de se porter garants du prêt hypothécaire si l’enfant a de mauvais antécédents de crédit. Selon Mme Dawson, cela comporte aussi des risques : si l’enfant est en défaut de paiement sur le prêt, les créanciers pourraient se tourner vers le parent s’il n’assume pas la responsabilité de rembourser le prêt hypothécaire.
Au bout du compte, aider vos enfants en période de besoin peut être un travail d’amour, mais cela ne devrait pas compromettre vos propres plans financiers, précise Mme Dawson. « Il est préférable d’obtenir l’aide d’un conseiller financier et d’un avocat chaque fois que vous donnez d’importantes sommes d’argent, explique-t-elle, car ils peuvent aider à assurer le bien-être financier des parties en cause. »
- « Comptes économiques du secteur des ménages répartis pour le revenu, la consommation, l’épargne et le patrimoine des ménages canadiens, 2019 », Statistics Canada, 26 juin 2020, consulté le 31 juillet 2020, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200626/dq200626a-fra.htm.↩
- Beata Caranci, James Marple, « Younger Workforce Pays A Steep Price During Recessions », Services économiques TD, 8 mai 2020, consulté le 20 juillet 2020, economics.td.com/younger-workforce, consulté le 10 août 2020↩
DON SUTTON
PARLONS ARGENT ET VIE
ILLUSTRATION
DANESH MOHIUDDIN