Vous avez sans doute entendu parler de « récession » dernièrement dans les manchettes, à la télévision et même dans vos conversations entre amis. Mais qu’est-ce qu’une récession et quels sont ses effets sur vos finances?

On entre en récession quand le produit intérieur brut (PIB) d’un pays affiche une baisse sur deux trimestres consécutifs. De manière plus générale, les économistes examinent plusieurs indicateurs (prix des actifs, dépenses de consommation, taux de chômage, etc.) avant de parler d’une récession en tant que telle. Les récessions sont pénibles, bien entendu, mais aussi temporaires. Elles durent habituellement de six à douze mois, et on considère qu’elles font partie d’un cycle économique normal. Le Canada a traversé de nombreuses récessions au fil des ans, la plus récente étant en 2008. Il importe de rappeler qu’une « récession » et une « dépression » économique, comme celle des années 1930, sont deux choses différentes.

« Souvent, les gens ne réalisent pas que les récessions sont tout à fait normales, affirme Varun Bhagwat, planificateur financier principal, Planification financière, Gestion de patrimoine TD. Il est encore trop tôt pour savoir si nous nous dirigeons vers une récession, mais ce ne serait ni la première ni la dernière. »

Compte tenu des propos qui circulent, il est bien normal d’être un peu inquiet quant à l’avenir de l’économie, mais la situation n’est peut-être pas si grave. Où que vous en soyez dans votre vie, estime M. Bhagwat, vous pouvez prendre des mesures pour préparer vos finances à une éventuelle récession. Selon lui, beaucoup d’entre nous auraient avantage à regarder leur situation de façon plus positive. Après tout, affirme-t-il, les investisseurs à long terme ont profité, dans le passé, d’une forte croissance au moment de la reprise.

En attendant de connaître la suite, voici quelques étapes que vous pouvez prendre pour vous préparer à tout âge.

Quand vous commencez (de 18 à 34 ans)

Si vous commencez, il s’agit peut-être de votre première récession comme travailleur adulte. Bien des gens parmi les plus âgés de ce groupe venaient tout juste de finir le secondaire au début de la dernière récession, en 2008. Même si vivre une récession au début de votre carrière peut être déstabilisant, selon M. Bhagwat, la voie à suivre pour ce groupe pourrait être la plus simple. Après tout, il vous reste plusieurs décennies avant votre retraite et bien du temps pour compenser les pertes essuyées.

Pour se préparer à surmonter de possibles embûches, M. Bhagwat suggère aux jeunes Canadiens de créer un plan d’urgence pour les dépenses imprévues (et peut-être même de passer à la banque de maman et papa?), en plus de rembourser leurs dettes à taux d’intérêt élevé. Vous n’avez peut-être pas encore de prêt hypothécaire, mais les dettes de carte de crédit comportent souvent un taux d’intérêt très élevé, et elles peuvent vite augmenter, surtout si votre emploi devient instable.

M. Bhagwat note aussi que les jeunes Canadiens sont plus susceptibles d’avoir un revenu supplémentaire tiré d’activités secondaires qu’ils peuvent utiliser pour consolider leur épargne ou fonds d’urgence au lieu de faire appel à leurs parents. Même si vos parents vous aident financièrement, il peut être utile d’avoir une épargne équivalant à quelques mois de dépenses au cas où il faudrait traverser des turbulences économiques.

Enfin, M. Bhagwat souligne qu’une récession peut en fait offrir une occasion unique aux jeunes Canadiens ayant un revenu supplémentaire. « Ce groupe a un horizon à long terme pour son épargne et ses placements », poursuit-il. Si vous avez des fonds supplémentaires, vous voudrez peut-être maximiser vos cotisations à votre régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou compte d’épargne libre d’impôt (CELI) pour l’année en question, ou élargir votre portefeuille de placement. Même les titres de qualité peuvent se négocier à prix réduit pendant une récession, car les marchés sont souvent en difficulté. « Il faut bien sûr adopter une approche équilibrée, mais autrement, à quelle fréquence avez-vous l’occasion d’acheter des actions des meilleures entreprises à prix réduit? », demande M. Bhagwat.

Conseils à prendre en compte quand vous commencez:

  1. Créer un plan d’urgence. Parlez de la récession avec votre famille et des possibles effets sur vous si vous perdez votre emploi.
  2. Rembourser vos dettes à taux dintérêt élevé. Les dettes de carte de crédit et d’autres dépenses à taux d’intérêt élevé pourraient vous submerger.
  3. Parler à un conseiller en placement. Si vous avez des fonds supplémentaires, c’est peut-être le bon moment de commencer à épargner pour atteindre vos objectifs à long terme.

Quand la pression est intense (de 35 à 54 ans)

Entre 35 et 54 ans, on peut déjà ressentir que vous êtes tiraillés de tous côtés financièrement. Et quand les gens commencent à parler de récession, ça peut être la goutte qui fait déborder le vase. Alors, que devriez-vous faire? Le premier conseil de M. Bhagwat dans cette situation, c’est de continuer à investir dans votre avenir, quoiqu’il arrive. Même de petits versements automatiques en vue de votre retraite et de vos objectifs à long terme peuvent maintenir votre élan lorsque l’économie ralentit. Vous pourriez continuer de cotiser à votre REER, à un régime de retraite, à un fonds d’urgence, ou à tous les trois.

Selon M. Bhagwat, peu importe combien vous épargnez, une partie de ces fonds doit demeurer liquide dans une économie turbulente, car vous pourriez en avoir besoin sans préavis. Par exemple, il pourrait être utile de vous procurer des certificats de placement garanti (CPG) à court terme. Le taux de rendement des CPG n’est pas élevé, mais d’après M. Bhagwat, « ce n’est pas là l’objectif d’un fonds d’urgence. » Il affirme aussi qu’avec la hausse des taux d’intérêt, certains comptes d’épargne à intérêt élevé offrent en fait un rendement supérieur à celui des CPG; il est donc important d’évaluer toutes vos options.

Si vous ne savez pas de combien de liquidités vous avez besoin, M. Bhagwat vous recommande d’évaluer vos dépenses trimestrielles. Ainsi, vous comprendrez mieux ce que vous dépensez et ce qu’il vous faut mettre de côté pour faire face aux imprévus. « Ne sous-estimez jamais le pouvoir de petits versements réguliers au fil du temps, poursuit M. Bhagwat. Cette épargne accumulée peut croître jusqu’à constituer un fonds d’urgence pour couvrir six mois de dépenses. »

M. Bhagwat dit souvent à ses clients qu’une récession est aussi un bon moment de réduire les dépenses discrétionnaires. Par exemple, vous voudrez peut-être attendre une autre année avant de rénover votre cuisine ou de prendre des vacances coûteuses en Europe.

« En général, je recommande à mes clients de consacrer aux dépenses discrétionnaires moins de 25 % de leur revenu avant impôts », indique M. Bhagwat. Si vous dépassez déjà ce pourcentage, c’est peut-être le bon moment de modérer vos dépenses.

En plus de réduire vos dépenses, il pourrait être utile d’évaluer votre endettement. Encore une fois, M. Bhagwat vous suggère de chercher le juste milieu : « Si vous affectez toutes vos rentrées de fonds supplémentaires au remboursement de vos dettes, et que vous avez ensuite besoin d’argent, vous devrez peut-être emprunter davantage à un taux d’intérêt plus élevé. » Rembourser vos dettes est sans doute une bonne chose, mais trouver un point d’équilibre entre ce remboursement et l’épargne personnelle pourrait vous coûter moins d’argent à long terme.

Enfin, M. Bhagwat suggère aux Canadiens de ce groupe d’âge de revoir leur plan de retraite avec leur conseiller. En évaluant votre plan, vous et votre conseiller pourrez ajuster le tir, s’il y a lieu, pour vous assurer que vous atteindrez vos objectifs à long terme. Il faut réévaluer votre plan de retraite chaque année de toute façon, mais c’est particulièrement important en cas de changements majeurs dans votre vie ou dans l’économie.

« Un des avantages de travailler avec un planificateur financier, précise M. Bhagwat, c’est qu’il peut intégrer à votre plan des événements, comme un krach boursier, pour déterminer dans quelle mesure votre santé financière serait touchée. Vous pouvez ainsi vous préparer à différents scénarios. »

Conseils à prendre en compte quand la pression est intense :

  1. Continuer à investir dans votre avenir. De petits versements réguliers dans votre REER, dans un régime de retraite ou dans un fonds d’urgence s’accumulent au fil du temps.
  2. Garder une partie des fonds durgence sous forme de liquidités. Pour être utile, l’argent du fonds d’urgence doit être facilement accessible.
  3. Réduire les dépenses discrétionnaires. Essayez de consacrer au divertissement moins de 25 % de votre revenu avant impôts.
  4. Équilibrer le remboursement de la dette et les liquidités. Il n’est pas nécessaire d’être intransigeant.
  5. Réévaluer vos plans de retraite. Un conseiller peut vous aider à vous assurer de maintenir le cap sur vos objectifs à long terme.

Quand vous passez aux choses sérieuses (55 ans ou plus)

Si vous prévoyez prendre votre retraite dans cinq ou dix ans, il est particulièrement important de réévaluer votre plan de retraite. Après tout, tout ajustement apporté aura un effet à plus court terme, à mesure que la retraite approche. Une option que propose M. Bhagwat est d’évaluer s’il est sensé pour vous de toucher vos prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) un peu plus tôt que ce qui était initialement prévu. Selon lui, cette démarche est appropriée si votre objectif est d’augmenter vos rentrées de fonds sans vendre vos placements de retraite potentiellement à perte. Faites attention cependant : toucher vos prestations du RPC avant l’âge de 65 ans entraîne une réduction des prestations globales au titre de ce régime.

Une autre option consiste à déménager dans une propriété plus petite. Cette démarche peut libérer des fonds importants, mais elle comporte des facteurs spécifiques à considérer et ne doit pas être entreprise à la légère. Si vous y songez, il pourrait être utile de parler à votre conseiller.

Par ailleurs, les Canadiens à l’aube de la retraite ou déjà retraités doivent faire attention aux dépenses inconsidérées. En vieillissant, et surtout quand les enfants adultes quittent le nid familial, le revenu discrétionnaire augmente souvent. Quand ça arrive, les dépenses qui nous semblaient autrefois extravagantes peuvent facilement être perçues comme des nécessités. (Vous n’avez peut-être pas besoin de ces trois semaines de vacances en Europe chaque année.) Pour contrer de telles dépenses, surtout lorsque l’inflation est déjà si élevée, il peut être utile de mieux surveiller les dépenses.

Conseils à prendre en compte quand vous passez aux choses sérieuses :

  1. Examiner votre plan de retraite. Un conseiller peut vous aider à apporter des ajustements pour vous aider à rester sur la bonne voie.
  2. Déterminer avec votre conseiller quand toucher vos prestations du RPC. Songeriez-vous à les toucher avant 65 ans ou bien à déménager dans une propriété plus petite si votre budget se trouve réduit?
  3. Faire attention aux des dépenses inconsidérées. Évitez de dépenser au-delà de vos moyens.

Quel que soit votre âge, le plus important conseil de M. Bhagwat est d’éviter les réactions impulsives quand il s’agit d’investir. « Souvent, les clients prennent des décisions irrationnelles quand les marchés reculent, que l’inflation est élevée et que les taux d’intérêt augmentent – surtout lorsqu’il y a beaucoup de négativité dans l’air, mentionne-t-il. La plupart du temps, modifier votre stratégie de placement pendant une récession nuira à l’atteinte de vos objectifs de vie à long terme, quelle que soit l’étape de votre vie. » Revoir la composition de votre actif avec votre conseiller pourrait vous aider à comprendre en quoi consistent vos risques en cas de récession, par contre, apporter vous-même des changements dans un moment de panique pourrait entraîner des problèmes plus graves.

Au bout du compte, l’important, c’est de rester calme et de vous rappeler que les récessions sont une étape du cycle économique normal. Si vous vous y préparez dès maintenant, comme pour n’importe quelle tempête, celle-ci finira par passer. Si vous avez des questions sur une récession potentielle et sur ce que vous devez faire pour vous y préparer, parlez à votre conseiller.

TAMARA YOUNG

MONEYTALK LIFE

ILLUSTRATION

DANESH MOHIUDDIN