Planification de la succession d’entreprise pour les entrepreneurs
Le gros bon sens!

Une citation de Benjamin Franklin est souvent reprise : « Il n’y a que deux certitudes dans la vie : la mort et les impôts! »
Le Canada a attiré tellement d’immigrants talentueux au fil des années; dans bien des cas, ils n’avaient pas un emploi qui les attendait à leur arrivée et ils ont plutôt créé leurs propres entreprises ou encore prudemment investi dans l’immobilier pour se constituer un patrimoine.
Le décès et les impôts pèsent lourdement sur les entrepreneurs vivant au Canada qui ont travaillé fort à bâtir une entreprise ou un portefeuille immobilier prospère, et ils appellent une planification préalable.
Je suis particulièrement bien conscient des défis auxquels font face les immigrants lorsqu’ils déménagent dans un nouveau pays. En tant que comptable professionnel agréé au Canada, je suis allé m’installer à Hong Kong en 1994, où j’ai aidé les familles asiatiques à planifier leur situation fiscale avant d’immigrer au Canada. Je suis ensuite allé vivre à Singapour, puis en Europe pour travailler avec des clients dans de nombreux pays en Asie, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. J’ai vécu à l’étranger pendant près de 20 ans et durant cette période, j’ai vu de nombreuses entreprises et de nombreux portefeuilles immobiliers croître et prospérer, atteignant des valeurs qui dépassent aujourd’hui l’imagination la plus folle de leurs propriétaires.
Les impôts après le décès
Mais revenons à la « mort et aux impôts ». Vous savez peut-être que le Canada n’impose pas de droits de succession, cependant on y trouve la notion presque aussi coûteuse de « disposition réputée », applicable au décès d’une personne. La disposition réputée est un mécanisme de notre Loi de l’impôt sur le revenu qui déclenche l’imposition de gains en capital au décès, en fonction de la juste valeur marchande des actifs imposables que vous détenez à ce moment. Si vous laissez vos actifs à un conjoint ou à une fiducie testamentaire au profit du conjoint, leur transfert au survivant est libre d’impôt. Par contre, lorsque votre conjoint décède à son tour, il n’est plus possible d’éviter la disposition réputée.
Cet « impôt au décès » ainsi que les formalités d’homologation (qui varient d’une province à l’autre) peuvent être pris en compte avant votre décès dans le cadre de votre planification successorale. Il faut aussi se rappeler que si vous possédez des biens étrangers (par exemple, une maison en Floride) au moment de votre décès, votre succession peut quand même être assujettie à des droits de succession dans d’autres pays, comme les États-Unis, ce qu’il convient d’examiner soigneusement.
Disputes de famille à propos de votre succession
Outre les questions fiscales et juridiques qui se posent au décès, dès que des Canadiens possèdent des entreprises ou des biens immobiliers de valeur, le risque existe que leurs héritiers n’arrivent pas à s’entendre sur l’utilisation des actifs qui leur sont légués en propriété partagée avec leurs frères et soeurs ou d’autres personnes. Une telle situation peut être très inquiétante, car elle peut conduire à de terribles conflits et à l’éclatement de la famille ou de l’entreprise.
Le risque de conflits familiaux est aggravé lorsque les actifs de la succession comprennent une entreprise familiale dans laquelle seuls quelques-uns des enfants travaillent, et d’autres pas. En effet, les héritiers qui ne travaillent pas dans l’entreprise préfèrent souvent recevoir leur héritage par prélèvement sur d’autres actifs de la succession et ne pas se retrouver copropriétaires minoritaires passifs avec leurs frères et soeurs actifs, même s’ils ont des actions avec droit de vote.
Les conventions entre actionnaires et les ententes de copropriété peuvent être des outils utiles pour permettre aux propriétaires multiples de prendre des décisions harmonieuses et d’éviter les conflits. Votre conseiller juridique peut vous aider à déterminer la pertinence de ces outils et s’assurer qu’ils soient correctement rédigés.
Imaginez que vous laissiez une succession importante, mais que vos enfants cessent, par suite, de se parler en raison de la façon dont elle a été laissée. Nous savons tous que cette triste situation s’est déjà produite et que les familles qui ne planifient pas convenablement peuvent s’y retrouver. Une bonne planification, avec moins de possibilités de malentendus ou de surprises et qui prévoit des mesures pour faire face aux impôts à payer au décès, peut faciliter la transition d’une entreprise familiale ou d’un important portefeuille immobilier aux héritiers.
La nécessité d’un plan pour la transition de votre entreprise
Vient avec l’âge la nécessité pour les familles qui disposent d’actifs importants de planifier, de se faire conseiller quant à la meilleure façon de laisser leurs actifs à leurs proches et de prévoir les impôts éventuellement exigibles au décès.
En réponse à la hausse du nombre d’entreprises familiales prospères partout au Canada ainsi qu’au vieillissement de la population, un nouveau secteur de services de planification financière, la planification de la succession d’entreprise, a récemment vu le jour.
« M. Chan a été ébranlé par l’estimation de l’impôt dont sa succession serait redevable, et choqué d’apprendre que son épouse n’hériterait pas automatiquement de toutes ses propriétés. »
De nombreux propriétaires d’entreprise s’attendent à transmettre la gestion ou la propriété de leur entreprise à la génération suivante, et ceux qui n’y songent pas envisagent souvent de vendre ou d’attirer de nouveaux actionnaires. Pourtant, bien qu’ayant à l’esprit ces changements majeurs, de nombreux propriétaires d’entreprise n’ont tout simplement pas de plan de succession officiel.
Mourir sans plan de succession d’entreprise peut entraîner une facture d’impôt salée. Prenons le cas de M. Alex Chan (nom fictif). M. Chan, 53 ans, un homme instruit, marié et père de deux enfants d’âge universitaire, a immigré au Canada en 1989. Depuis son arrivée à Toronto, il a judicieusement investi dans un certain nombre de centres commerciaux et d’immeubles commerciaux qu’il a rénovés et loués, tirant profit du renforcement du marché immobilier. Grâce à son travail acharné, sa prise de risques et sa présence au bon endroit au bon moment, M. Chan a amassé un portefeuille immobilier évalué à 51 millions de dollars aujourd’hui. L’actif est détenu dans une société de portefeuille canadienne dont il est seul actionnaire. Le coût de ses propriétés est d’environ 21 millions de dollars, de sorte que son gain en capital s’élève à 30 millions de dollars.
Lorsque j’ai rencontré M. Chan pour une revue de sa succession, je lui ai demandé s’il avait un testament et comment il voulait répartir sa succession à son décès. Il m’a dit qu’il avait l’intention de laisser tous ses biens à son épouse, qui prendrait la direction du portefeuille d’immeubles locatifs. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un bon plan, étant donné que les lois fiscales du Canada lui permettaient de laisser ses biens à son épouse en franchise d’impôt. J’ai ensuite demandé à M. Chan s’il avait un testament et il m’a répondu que non.
Je lui ai dit que lorsqu’une personne décède sans testament, le gouvernement répartit les biens aux héritiers selon une formule établie. En vertu de la législation en Ontario, son épouse n’hériterait pas automatiquement de tous ses biens puisque la formule établie lui donne droit aux premiers 200 000 $ de la valeur de ses actifs, auxquels s’ajoute un tiers de ses actifs, mais que les deux tiers de sa succession iraient directement à ses deux enfants adultes. Je lui ai expliqué que même si le tiers de sa succession passait à son épouse en franchise d’impôt, malheureusement les deux tiers qui passeraient à ses enfants entraîneraient un gain en capital de 20 millions de dollars (deux tiers de 30 millions de dollars) et des impôts à payer d’environ 5 millions de dollars!
« Une mise à jour du testament n’est qu’un des éléments importants d’un plan complet de succession d’entreprise. »
M. Chan a été ébranlé par l’estimation de l’impôt dont sa succession serait redevable, et choqué d’apprendre que son épouse n’hériterait pas automatiquement de toutes ses propriétés.
Il était très heureux d’entendre qu’il pouvait maintenant mettre en place des solutions pratiques pour atténuer certains des risques fiscaux auxquels il serait plus tard exposé. J’ai suggéré qu’il parle à son avocat de la mise en place d’un testament pour désigner son épouse comme bénéficiaire de sa succession ou pour en faire la bénéficiaire d’une fiducie établie dans le testament (fiducie testamentaire), ainsi que d’un testament similaire pour son épouse si elle devait décéder avant lui. Ces solutions permettraient éventuellement le report de l’impôt sur les gains en capital jusqu’au décès de sa femme. Je lui ai aussi proposé de rédiger plusieurs testaments qui permettraient aux actions de sa société privée (tout comme certains autres biens personnels qu’il possède, dont sa collection de montres rares et d’oeuvres d’art) de ne pas être soumises à l’homologation et d’économiser ainsi les frais d’homologation de 1,5 % (environ) en Ontario.
Une mise à jour du testament n’est qu’un des éléments importants d’un plan complet de succession d’entreprise. En plus de la mise en place d’un testament, la situation de M. Chan se prêtait à un « gel successoral » et à certaines stratégies utilisant des fiducies familiales au titre de sa planification fiscale et successorale. Un gel successoral est une stratégie par laquelle certaines dispositions sont prises pour reporter l’impôt sur une succession et payer l’impôt que génèrent des ressources qui n’exigent pas la vente des principaux actifs de la succession. Cette stratégie aide les bénéficiaires qui ne peuvent pas facilement vendre ou ne souhaitent pas vendre, par exemple une entreprise ou un chalet. Pour M. Chan, il a été possible d’estimer le montant de l’impôt sur les gains en capital payable ultimement au décès du conjoint survivant — lui-même ou son épouse — et de souscrire une assurance vie que l’entreprise détiendra pour acquitter le montant définitif des impôts sur le revenu déclenchés au moment du décès. De cette façon, ses héritiers pourraient hériter des actifs de l’entreprise sans avoir à les vendre ou à les grever pour payer les impôts.
Le nombre d’entrepreneurs et d’investisseurs immobiliers prospères vivant au Canada qui viennent de l’étranger s’accroît, et nombre d’entre eux ne connaissent pas forcément les lois fiscales du Canada et la notion de disposition réputée au décès et n’ont pas rédigé un testament, ni ne connaissent les conséquences que subiront leurs survivants en l’absence d’un plan de succession bien pensé.
Étant donné qu’une entreprise familiale ou un portefeuille immobilier peut représenter l’actif familial le plus précieux, il est essentiel d’élaborer un plan de succession ordonné dès que possible.
Qu’est-ce qu’un plan de succession d’entreprise
et pourquoi est-il si important?
En ce qui a trait à la succession d’entreprise, deux aspects principaux doivent être pris en compte, à savoir un plan de transfert de propriété des actifs et ensuite, la transition de la direction de l’entreprise. Ces deux aspects vont souvent de pair (c’est-à-dire que la propriété est cédée à la personne qui reprend la direction). Mais il arrive qu’une famille conserve la propriété des actifs et retienne les services de gestionnaires professionnels pour administrer ces derniers, s’il est plus sensé de procéder ainsi.
La planification de la succession d’entreprise comporte la création d’un cadre pour le transfert de la propriété et de la gestion d’une entreprise ou d’un immeuble de valeur aux successeurs qui auront été choisis – qu’il s’agisse de membres de la famille, de partenaires d’affaires ou d’actionnaires, de cadres ou de tiers. De même, c’est un plan qui cherche à maximiser la valeur, l’harmonie familiale et la sécurité générale de tous.
Que couvre un plan de succession d’entreprise?
______
Un plan de succession d’entreprise bien pensé suit une approche globale pour évaluer tous les éléments pertinents qui doivent être pris en compte et mis en oeuvre pour la transition des actifs. Habituellement, une revue du plan de succession d’entreprise peut couvrir :
- les options possibles de départ, de son vivant ou au décès;
- un plan de transition de la direction;
- les perspectives des différentes parties prenantes et ce qu’elles aimeraient voir se produire;
- l’évaluation de l’entreprise, et comment optimiser la valeur avant le départ;
- la planification anticipée de la retraite;
- les stratégies fiscales;
- le financement de l’acheteur;
- l’examen des outils et des stratégies de planification successorale (par exemple, testaments, procurations, gel successoral);
- la compréhension de l’assurance vie;
- la possibilité d’une vente de l’entreprise (par exemple, une vente en dehors de la famille ou au sein de la famille) et la compréhension de qui peut aider à vendre l’entreprise.
Trouvez la direction idéale pour votre entreprise
La planification de la succession d’entreprises dirigées par leurs propriétaires comprend généralement un plan de transition de la direction. Un certain nombre de tâches peuvent devoir être accomplies : établir un calendrier pour le retrait du propriétaire ou du directeur actuel, établir les compétences requises d’un successeur, déterminer la rémunération, voir si un candidat interne approprié existe ou s’il faut procéder à une recherche externe, discuter du plan de succession avec un candidat potentiel et le conseil d’administration pour définir les attentes, discuter du plan de succession avec l’équipe de la haute direction, préparer le successeur à prendre la relève et mettre en oeuvre et communiquer le plan de succession à des tiers.
Normalement, la transition de la direction est l’une des étapes les plus longues et les plus complexes de la mise en oeuvre d’un plan de succession et peut prendre plusieurs années. Si le successeur éventuel ne possède que quelques-unes des compétences nécessaires pour réussir, les compétences insuffisantes doivent être complétées par une combinaison de formation professionnelle si possible, ou par le recrutement d’autres directeurs qualifiés pour combler le vide. Dans le cas d’une entreprise familiale où la génération suivante (c’est-à-dire l’enfant du propriétaire) souhaite participer à la direction, mais ne possède pas toutes les compétences nécessaires pour réussir, une vente partielle d’actions à des cadres supérieurs clés qui ne sont pas des membres de la famille se révèle parfois utile pour s’arroger les compétences supplémentaires requises. Une autre option consiste à structurer une rémunération ou des mesures incitatives visant à fidéliser des directeurs recrutés à l’extérieur dont les compétences sont essentielles pour mener à bien la transition.
À quel moment faut-il planifier son départ?
Il est prudent de planifier son départ bien avant la retraite et il peut être nécessaire de prendre des mesures pour couvrir différents scénarios futurs; avant qu’une maladie ne frappe, avant que la famille ait besoin de liquidités, pour diluer la concentration des risques de la famille, quand un successeur adéquat a été préparé et est prêt à prendre le relais, lorsque le marché est propice à une évaluation favorable et qu’il existe de nombreux acheteurs, avant que la dégradation de la conjoncture ne détériore la valeur de l’entreprise, ou lorsque les partenaires et les parties prenantes signalent qu’ils commencent à s’inquiéter de la relève.
Qui consulter pour obtenir des conseils?
La planification de la succession d’entreprise est un domaine de conseil spécialisé relativement nouveau et est offerte par des conseillers professionnels et certaines grandes banques qui disposent de spécialistes en matière de planification fiscale et successorale, de services de planification pour les clients à valeur nette élevée et de solutions d’assurance.
Parlez à votre conseiller, spécialiste en placement ou banquier commercial pour en savoir plus sur la façon dont vous pouvez accéder à ces spécialistes et commencer à mettre votre plan en action.
Avantages de la mise en oeuvre d’un plan de succession
______
Les propriétaires d’entreprise qui n’ont pas de plan de succession ont souvent plusieurs excuses. Parmi celles-ci, ne pas avoir le temps de planifier, estimer qu’il est trop tôt pour planifier, trouver que c’est un processus trop complexe, dire qu’ils ne peuvent pas trouver des conseils ou des outils adéquats, qu’ils ne veulent pas quitter leur entreprise, ou qu’ils ont peur de causer un conflit familial. Les avantages potentiels de la mise en oeuvre d’un plan de succession d’entreprise bien pensé sont nombreux et peuvent inclure les suivants :
- aider à assurer la transition en douceur et la continuité de l’entreprise ou du bien immobilier;
- maximiser la valeur de l’entreprise ou du bien immobilier;
- réduire au minimum les impôts à payer;
- réduire au minimum les frais d’homologation;
- réduire au minimum les droits successoraux et les problèmes d’héritage;
- assurer la sécurité financière de la famille;
- préserver l’harmonie familiale;
- inspirer confiance auprès de la famille, de la direction, des employés, des clients, des fournisseurs et des banquiers.
— Jeff Halpern, planificateur en succession d’entreprise, Gestion de patrimoine TD, contributeur spécial à Parlons argent et vie