Il fut un temps où planifier sa retraite était simple : au Canada, on travaillait jusqu’à environ 65 ans, puis on recevait les prestations de retraite de son employeur et on puisait dans son épargne-retraite. À cela s’ajoutaient les prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) – ou du Régime des rentes du Québec (RRQ) – et de la Sécurité de la vieillesse (SV). Combinées, ces sources de revenus étaient généralement suffisantes pour permettre au Canadien moyen de jouir d’une retraite confortable.

Les temps ont changé : les régimes de retraite et les sources de revenus sont désormais plus complexes et diversifiés. De plus, l’espérance de vie au Canada s’est allongée et beaucoup de personnes continuent à travailler bien après l’âge de la retraite, soit parce qu’elles ont besoin d’argent, soit parce qu’elles aiment travailler. Sans compter le nombre croissant de personnes qui ont leur propre entreprise ou qui exercent des activités secondaires qui leur procurent d’autres revenus.

De plus, la situation économique actuelle est très différente de celle que nous imaginions quand nous pensions à la retraite : l’inflation et les taux d’intérêt à la hausse, la volatilité du marché boursier, ainsi que les frais de scolarité et les prix de l’immobilier élevés sont autant de facteurs qui rendent certains objectifs de retraite plus difficiles à atteindre.

À la retraite, les dépenses changent aussi : Natasha Kovacs, planificatrice financière principale, Gestion de patrimoine TD, souligne que le revenu de retraite ne sert pas seulement à payer les dépenses de la vie quotidienne, les voyages et les passe-temps. Beaucoup de personnes âgées puisent dans leurs économies pour aider leurs enfants adultes à s’acheter une première propriété ou pour payer les frais de scolarité de leurs petits-enfants, ou mettent de l’argent de côté en prévision de leurs futurs besoins de soins de santé.

Dans un contexte de changements et de complexités financières, il ne faut pas s’embarrasser d’idées dépassées pour financer sa retraite. Nous avons interrogé Mme Kovacs au sujet de cinq idées courantes sur la retraite qui ne tiennent plus debout et des nouvelles approches à envisager.

Idée reçue no 1 : Les objectifs de retraite ne concernent que les deux conjoints.

La plupart des stratégies de retraite traditionnelles tiennent uniquement compte des besoins personnels et financiers d’un couple, notamment les plans fiscaux pour faire baisser ses impôts, comme le fractionnement des revenus de retraite et les prêts entre conjoints. Bien que de telles stratégies soient encore essentielles à tout bon plan financier, de nombreux régimes de retraite prennent maintenant en considération les besoins d’autres membres de la famille et des personnes à charge.

« Compte tenu de la hausse des prix de l’immobilier et de l’inflation, il n’est plus réaliste d’épargner seulement pour vous et votre conjoint », dit Mme Kovacs. Au Canada, les personnes qui ont entre 35 et 55 ans sont dans la « génération sandwich », c’est-à-dire qu’elles doivent prendre soin de leurs enfants et de leurs parents. Pour leurs enfants adultes, il peut s’agir de les aider à acheter leur première propriété ou de payer leurs études postsecondaires. Certaines personnes aident aussi financièrement leurs parents à la retraite, notamment en participant aux coûts élevés des établissements de soins de longue durée, et ce, tout en mettant de l’argent de côté en prévision de leurs propres besoins de soins.

Idée reçue no 2 : Il faut commencer à recevoir les prestations du RPC ou du RRQ le plus tôt possible.

Au Canada, on peut commencer à recevoir les prestations du RPC et du RRQ dès l’âge de 60 ans, et selon un rapport de 2020, c’est ce que la plupart des gens font. 1 Pourtant, attendre cinq ou dix ans permet de recevoir des versements beaucoup plus élevés.

En effet, si les prestations du RPC et du RRQ sont versées dès 60 ans, leur montant peut-être jusqu’à 36 % plus bas que si elles le sont à partir de 65 ans. Entre 65 ans et 70 ans, leur montant augmente chaque année, de sorte qu’à 70 ans, vos prestations seront 42 % plus élevées que si vous aviez commencé à les toucher à 65 ans. Pour en savoir plus sur le calcul du RPC et du RRQ, lisez l’article Les nouvelles règles pour la retraite : comment la longévité change la donne.

À moins que vous en ayez besoin pour joindre les deux bouts ou que vous ayez des problèmes de santé qui réduisent votre espérance de vie, Mme Kovacs conseille de ne pas commencer à percevoir vos prestations de retraite gouvernementales trop vite. « Si l’on regarde l’espérance de vie au Canada, c’est rarement avantageux de toucher les prestations de pension tôt.

Le RPC ou le RRQ sont importants dans les revenus de retraite. Il suffit de bien choisir le moment où on commence à les toucher », explique-t-elle en recommandant de faire appel à un planificateur financier pour le déterminer.

Idée reçue no 3 : Dans son plan pour la retraite, il faut prévoir d’emménager dans un plus petit logement.

L’actif le plus important de beaucoup de personnes au Canada est leur maison, mais déménager pour s’installer dans un logement plus petit n’est pas forcément simple.

Vivre dans un espace réduit peut vous simplifier la vie et la vente pourrait vous rapporter un profit, mais vu les prix de l’immobilier, il n’est pas sûr que cette rentrée d’argent soit suffisante pour vous combler ou répondre à vos besoins. « Avec la flambée du prix des maisons, beaucoup de personnes à la retraite pourraient être contraintes de devenir locataires pour réaliser un meilleur profit, indique Mme Kovacs.

Et déménager dans un endroit plus petit ne convient pas à tout le monde », ajoute-t-elle. La pandémie a fait réaliser aux gens à quel point ils aimaient avoir de l’espace pour relaxer, s’adonner à leurs passe-temps et recevoir leurs proches. On peut aussi avoir besoin de place pour héberger ses parents vieillissants ou ses enfants adultes qui n’ont pas encore les moyens d’acheter. Une fois à la retraite, beaucoup de gens décident de rester dans leur maison et d’en moderniser les pièces et les espaces extérieurs pour les rendre plus agréables et accessibles au fil du temps, leur but étant de « vieillir à la maison » plutôt que de s’installer dans un établissement de soins de longue durée.

Enfin, dans le contexte actuel, les propriétaires d’une maison dont la valeur augmente chaque année peuvent ne pas avoir envie de la vendre tant qu’ils n’ont pas besoin de le faire. Mme Kovacs recommande aux personnes qui aimeraient pouvoir continuer à vivre dans leur maison à la retraite de le planifier, notamment en faisant les rénovations nécessaires.

Idée reçue no 4 : Il faut avoir un million de dollars de côté pour pouvoir prendre sa retraite.

Il n’y a pas de règle absolue quant au montant total qu’il faut avoir épargné avant la retraite. Tout dépend de vos objectifs. « Il peut être extrêmement dangereux de se fixer un montant précis, prévient Mme Kovacs. Ça ne sert à rien de viser un million de dollars, par exemple, s’il vous en faudrait deux pour atteindre vos objectifs de mode de vie à la retraite ». Elle déconseille aussi d’épargner plus que nécessaire pour éviter de manquer d’argent pour couvrir ses besoins avant la retraite.

Selon elle, épargner pour atteindre un montant précis n’est pas un objectif en soi. « Il faut vraiment réfléchir soigneusement à ce dont vous avez envie pour tout de suite et pour l’avenir, afin de pouvoir calculer le montant adéquat. »

Il peut être rassurant de rédiger un plan, de collaborer avec un planificateur financier ou un conseiller et de faire le point régulièrement sur votre stratégie. Avec le coût de la vie qui augmente et la constante volatilité des marchés, de nombreuses personnes au Canada qui approchent l’âge de la retraite s’inquiètent de ne pas avoir une épargne suffisante. Mais selon Mme Kovacs, dans la plupart des cas il faut simplement les rassurer. « La grande majorité des clients ont juste besoin de réponses à leurs questions ».

Idée reçue no 5 : À la retraite, il faut garder la majeure partie de son argent dans des placements « sûrs » à revenu fixe.

Les régimes de retraite traditionnels prévoient l’augmentation de la part des placements à revenu fixe, comme les obligations, les certificats de placement garanti et les liquidités, au fil du temps. Ces placements très prudents réduisent certes les risques du marché, mais leur rendement peut s’avérer insuffisant pendant votre retraite. Comme au Canada on vit plus longtemps et en meilleure santé, il vous faut une stratégie de portefeuille personnalisée adaptée à votre situation.

De plus, détenir uniquement des placements dits « sûrs » n’est peut-être pas la meilleure stratégie lorsque l’inflation est élevée. Les choix sont donc compliqués.

Selon Mme Kovacs, en période d’incertitude, les gens tentent de retrouver un sentiment de contrôle, notamment en modifiant leurs placements, leurs objectifs et leurs plans. Elle prévient toutefois que raisonner à court terme peut être une erreur.

Elle estime que les meilleurs régimes de retraite sont ceux qui tiennent compte de votre tolérance au risque, de vos besoins et de vos objectifs : « Il faut un plan vraiment personnel. »

Tout comme les recettes de grand-mère, les « bonnes vieilles idées » sur la retraite ne passent pas forcément bien l’épreuve de la réalité. Il est important de réévaluer régulièrement votre plan pour vérifier qu’il cadre toujours avec vos objectifs et que vous êtes sur la bonne voie pour profiter de votre retraite.

« N’oubliez pas que la vision d’une retraite heureuse – et la manière d’y arriver – est très différente d’une personne à l’autre, rappelle Mme Kovacs. Et l’un de vos meilleurs atouts pour atteindre cet objectif, c’est un plan personnalisé qui fonctionne pour vous. » Un planificateur financier peut vous aider à mettre au point un plan qui répond à vos besoins.

MARK BROWN

PARLONS ARGENT

ILLUSTRATION

INNA GERTSBERG