
Ma grosse maison et moi
Que ce soit par chance ou parce qu’ils possèdent leur maison depuis longtemps, de nombreux Canadiens à l’approche de la retraite ont des propriétés pouvant valoir le double de ce qu’ils ont payé il y a 10 ou 20 ans. Même avec les baisses récentes du marché, ces millionnaires sur papier hésitent peut-être entre rester ou partir.
L’article initial a été publié en octobre 2018. Son contenu a été mis à jour.
Raina* envisage parfois de vendre sa maison. Lorsqu’elle apprend le prix auquel les maisons de son quartier se sont vendues – qui peut atteindre le double du prix qu’elle a payé la sienne – elle ne peut pas s’empêcher de s’interroger. Comme elle n’arrive pas à se décider, elle a couché sur papier les avantages et les inconvénients des deux décisions.
Vendre : Comme sa retraite approche, une vente lui permettrait de se mettre à l’abri financièrement pour longtemps. Cela pourrait aussi lui permettre de rembourser les prêts étudiants de ses enfants et de les aider à s’acheter une première propriété. De plus, elle n’aurait plus de déneigement à faire ni à monter les escaliers de sa vieille maison.
Rester : La valeur de sa maison devrait continuer d’augmenter et, à long terme, le produit de la vente pourrait lui servir à payer ses frais médicaux. Garder sa maison lui permettrait d’héberger ses enfants ou ses parents vieillissants en cas de besoin.
L’incertitude entourant l’évolution des prix de l’immobilier – vont-ils continuer à grimper ou au contraire baisser? – complique encore plus sa décision.
L’indécision de Raina est compréhensible. Si vous avez la chance d’être propriétaire d’une maison dans l’une des régions urbaines au Canada, il est possible que vous ayez bénéficié de la hausse des prix de l’immobilier des 20 dernières années. Même si la hausse des taux d’intérêt au cours de la dernière année a entraîné une baisse, le prix des maisons demeure l’un des sujets économiques les plus brûlants.
Pourtant, la question qui domine toutes les autres pourrait bien être : que faire de cette grosse maison? Quelle place la valeur de votre propriété occupe-t-elle dans l’équation de votre retraite? Surtout si vous avez la perspective d’obtenir deux fois le montant que vous avez payé pour l’acheter (voire plus). Si le marché immobilier vous a permis de devenir millionnaire (du moins sur papier), est-ce que vous êtes désormais à l’abri des soucis financiers? Ou est-ce que ce pactole complique encore plus les choses?
Voici quelques questions que Raina se pose et des pistes de réflexion si vous vous trouvez dans une situation semblable.
Quel est l’impact de l’augmentation de la valeur de ma maison sur mes projets de retraite?
Natasha Kovacs, planificatrice financière principale, Gestion de patrimoine TD, explique que les propriétaires peuvent profiter des avantages possibles d’un boom immobilier, mais que la valeur de leur maison ne doit pas leur faire perdre de vue les principes de base de la planification financière. Si la hausse des prix de l’immobilier peut vous permettre de vendre votre maison plus cher, elle fait aussi monter les loyers et les prix d’achat, même en dehors des centres urbains. C’est un facteur à prendre en compte si vous comptez emménager dans un logement plus petit.
Puis-je me permettre de prendre ma retraite plus tôt ou d’avoir un niveau de vie plus élevé parce que je peux compter sur la valeur de ma maison?
Steve Inskip, chef de région, Gestion de patrimoine TD, explique que le moment de prendre sa retraite est une décision personnelle qui dépend de l’étape de la vie et de la carrière, de l’état de santé et des objectifs de la personne concernée. Il fait valoir que, indépendamment de la valeur d’une maison, la décision de renoncer à un salaire périodique et de vivre de son épargne peut se traduire par des sorties de fonds supérieures aux rentrées de fonds et que cela peut avoir un plus grand impact sur la retraite. Selon lui, on ne devrait pas décider de garder une grosse maison ou de s’en départir sans tenir compte d’autres facteurs déterminants pour la réussite de la retraite, par exemple la capacité de faire face à ses dépenses à un âge avancé ou de laisser un héritage à ses enfants.
Ma maison est devenue un actif substantiel, et elle continue de prendre de la valeur! Est-il déraisonnable de la vendre alors que je m’attends à ce que son prix augmente?
Steve Inskip estime que les propriétaires peuvent bénéficier des avantages potentiels que le marché immobilier peut leur offrir, dans la mesure où ils ne font pas d’hypothèses erronées qui pourraient leur faire négliger d’autres préoccupations. Selon lui, ils auraient peut-être intérêt à ne pas attribuer un prix de vente futur à leur maison et à ne pas fonder leur stratégie de retraite sur un seul bien. Il souligne que le marché national et les marchés locaux peuvent fluctuer (comme on l’a vu cette année), les taux d’intérêt peuvent changer et les conditions économiques ou la réglementation gouvernementale peuvent mettre fin à la hausse des prix immobiliers. De plus, il indique que les propriétaires qui n’ont plus les capacités physiques nécessaires pour s’occuper de l’entretien pourraient envisager de ne pas conserver à tout prix leur maison.
Je ne suis pas prête à vendre ma maison, mais j’aimerais avoir plus de liquidités. Est-ce une bonne idée d’utiliser une ligne de crédit? M’endetter, mais rembourser mon emprunt à la vente de ma maison?
Natasha Kovacs propose une bonne règle générale aux propriétaires : mieux vaut ne pas avoir de dette lorsque vous prendrez votre retraite et éviter que vos fonds de retraite servent à rembourser des dépenses que vous avez faites pendant votre vie active. Selon elle, les personnes qui ont accès à une ligne de crédit devraient garder à l’esprit que ce n’est pas un guichet automatique : un emprunt n’est pas gratuit, et si elles ont déjà des dettes, s’endetter davantage n’améliorera vraisemblablement pas leur situation. De plus, avec les taux d’intérêt élevés, leur ligne de crédit pourrait finir par leur coûter plus cher que prévu. Elle précise toutefois que, si les autres aspects de la planification financière sont sains et les objectifs financiers, solides, l’utilisation d’une ligne de crédit peut aider à court terme à atténuer le syndrome « riche en possessions, mais sans le sou », si l’on en ressent le besoin.
L’achat d’une maison plus petite et moins coûteuse semble aller de soi. Y a-t-il quelque chose qui m’échappe?
Natasha Kovacs observe que l’acquisition d’une maison plus petite, peut-être dans un marché plus abordable, est la voie que choisissent de nombreux propriétaires. Mais plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord, la vente d’une maison familiale à laquelle on attache une valeur sentimentale peut être chargée d’émotions et la famille doit s’assurer de conclure la vente seulement si elle se sent prête à le faire. Déménager dans un nouveau quartier ou une nouvelle ville peut sembler être une opération financière simple. Or, il faut soupeser, en particulier à un âge avancé, les conséquences de l’éloignement des amis et d’un voisinage familier, sans parler des médecins et des professionnels de la santé qui vous connaissent de longue date.
De plus, elle ajoute qu’il faut tenir compte des coûts associés à un déménagement comme les frais juridiques et les droits de mutation immobilière, et des frais mensuels de copropriété, le cas échéant.
La valeur de ma maison s’est appréciée en raison de l’augmentation des prix de l’immobilier, mais je sais que mes enfants vivent l’envers de la médaille. Même s’ils réussissent dans la vie, dans les grandes villes, les maisons, même modestes, coûtent apparemment une fortune. Puis-je les aider?
Comme les marchés ont grandement changé dans les grandes villes depuis quelques dizaines d’années, Natasha Kovacs explique qu’il faut parfois revoir ses attentes à la baisse quand on veut acheter une propriété assez proche de son lieu de travail. Elle précise cependant qu’en s’éloignant un peu, on peut trouver des prix plus bas. Cette année, par exemple, les prix ont beaucoup baissé dans les banlieues de grandes métropoles, comme Hamilton en Ontario et Chilliwack en Colombie-Britannique 1.
Les parents désireux d’aider leurs enfants à financer une mise de fonds ou un autre gros achat disposent de plusieurs options. C’est certes honorable, mais ils pourraient eux-mêmes avoir besoin d’argent plus tard. Elle affirme qu’il vaut mieux intégrer les dons en espèces dans une planification financière et successorale complète.
Comment puis-je éviter d’être un fardeau pour mes enfants même si je ne sais pas exactement pour quoi épargner?
Natasha Kovacs souligne que le coût des soins de santé est l’un des aspects qu’il faut garder à l’esprit. Même si les soins de santé de base sont couverts au Canada, il faut envisager l’éventualité d’avoir à payer d’autres coûts, tels que des soins infirmiers à domicile ou l’hébergement dans une résidence pour personnes âgées. C’est en raison de ces coûts qu’elle suggère aux propriétaires de penser à affecter le produit de la vente de leur maison à leurs soins de santé futurs.
Steve Inskip réitère sa mise en garde : établir un lien direct entre la valeur d’une maison et le revenu de retraite n’est peut-être pas la façon la plus appropriée de prendre l’une des plus importantes décisions financières de notre vie. Il estime que l’augmentation de la valeur d’une maison peut être une bénédiction pour beaucoup de propriétaires, mais que cela ne les dispense pas de tenir compte de considérations pratiques, par exemple où vivre après la vente de la maison, comment payer les frais médicaux et si leurs enfants auront besoin d’aide éventuellement.
Selon lui, bien qu’il semble n’y avoir aucun lien entre certains aspects financiers, comme l’immobilier, la retraite, le transfert de patrimoine et les soins de santé, il faut avoir un plan financier global qui tient compte de votre situation actuelle et de la situation à laquelle vous aspirez. Comme chaque cas est différent, un conseiller peut vous aider à simplifier quelque peu des décisions importantes.
* Raina est un personnage fictif. Les données ont été mises à jour pour refléter les tendances du marché actuel.
DON SUTTON et TAMARA YOUNG
PARLONS ARGENT
ILLUSTRATION
DANESH MOHIUDDIN
- « Perspectives du marché de l’habitation au Canada : Analyse des bases », Services économiques TD, 29 août 2022, https://economics.td.com/fr-testing-the-foundation ↩