Les grands-parents et les REEE : une source d’espoir (et d’aide) pour l’avenir

Pour des grands-parents, il est tout à fait normal de vouloir aider ses petits-enfants à faire des études de qualité. Par contre, la meilleure solution consiste-t-elle à ouvrir un REEE distinct?
L’arrivée d’un enfant dans la famille est une période de réjouissances, mais aussi d’espoir, de projets et de réflexion. Les grands-parents ne sont pas exposés au chaos et aux nuits blanches qui accompagnent l’arrivée d’un bébé et voudront peut-être apporter une riche contribution à ces célébrations en offrant le cadeau des études supérieures.
Comme pour n’importe quel objectif financier d’envergure, ce sujet mérite une certaine réflexion. Selon Statistique Canada, en 2017-2018, les droits de scolarité des étudiants à temps plein s’élevaient en moyenne à 6 571 $, sans tenir compte des frais de subsistance1. Selon une autre estimation, en 2036, le coût pour un étudiant à l’université pendant quatre ans pourrait s’élever à 138 400 $2. Et si l’enfant décidait de faire des études en droit ou en médecine?
Conscients de cette réalité, certains grands-parents emballés prennent les grands moyens et courent à leur banque pour ouvrir un régime enregistré d’épargne-études (REEE) à peine quelques jours après la naissance de l’enfant et dès qu’il obtient un NAS.
Le REEE est un régime idéal pour les parents qui veulent épargner pour les études de leurs enfants, puisqu’il leur donne accès à des subventions gouvernementales et leur permet de faire fructifier leurs gains ou revenus de placement avec report d’impôt. Cotiser tôt permet de maximiser la croissance composée dans le régime, de la naissance de l’enfant jusqu’au moment où il plie bagage et part vivre sur le campus.
6 571 $
Selon Statistique Canada, en 2017-2018, les droits de scolarité des étudiants à temps plein s’élevaient en moyenne à 6 571 $, sans tenir compte des frais de subsistance3.
Par contre, malgré toutes leurs bonnes intentions, les grands-parents sont-ils vraiment les meilleures personnes pour gérer le REEE de leurs petits-enfants, tout particulièrement lorsque les parents s’occupent déjà d’un tel régime? Est-ce que plusieurs régimes par enfant valent mieux qu’un?
Ian Lebane, vice-président et planificateur spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD, explique que, pour faciliter la gestion pour toutes les parties concernées, il vaut souvent mieux s’en tenir à un seul régime par enfant, puisqu’il faut respecter plusieurs règles, notamment les limites de cotisation et de retrait. Par exemple, au titre de la Subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE), le gouvernement fédéral verse 20 cents pour chaque dollar cotisé à un REEE, jusqu’à concurrence de 500 $ par année par enfant et d’un maximum à vie de 7 200 $. Même si un enfant peut être bénéficiaire de plus d’un régime, il est assujetti à la même subvention et aux mêmes plafonds de cotisation que s’il bénéficiait d’un seul régime.
En remettant le montant directement aux parents pour qu’ils le versent dans leur REEE, il est possible d’éviter les problèmes associés aux contributeurs multiples et à la gestion de différents régimes tout en facilitant les formalités de retrait.
Lorsqu’un enfant est bénéficiaire de plus d’un régime, on court le risque de ne pas cotiser suffisamment. La personne qui signe un contrat de REEE avec une institution financière (généralement, mais pas nécessairement le parent) est le « souscripteur ». Il est difficile de coordonner plusieurs régimes avec différents souscripteurs. Si le montant des cotisations pour une année donnée n’est pas assez élevé, l’enfant ne pourra pas profiter de la subvention totale à laquelle il aurait droit. De même, si les souscripteurs ne se concertent pas, ils pourraient dépasser le plafond de cotisation, qui est établi à 50 000 $ à vie, et s’exposer à un impôt de 1 % par mois sur les cotisations excédentaires.
Même si les membres de la famille s’improvisent parfois comptables, il ne faut pas négliger l’ampleur que prend la coordination des cotisations versées par les grands-parents, les parents ou même d’autres personnes.
M. Lebane affirme également que si l’enfant décide de ne pas faire d’études postsecondaires ou qu’il ne termine pas son programme d’études au bout de quelques années, les grands-parents souscripteurs pourraient subir des conséquences fiscales défavorables s’ils retirent les gains réalisés dans le régime. En effet, si le bénéficiaire n’utilise pas le REEE pour financer ses études, le souscripteur qui retire les revenus (ou gains de placement) sur les fonds investis devra payer une pénalité supplémentaire de 20 % (et inclure le montant du retrait dans ses revenus). Le souscripteur ne peut pas retirer les subventions accumulées dans le régime, mais non versées à l’enfant aux fins d’études. En cas de fermeture du REEE, les subventions inutilisées doivent être remboursées au gouvernement.
Cotiser tôt permet de maximiser la croissance composée dans le régime, de la naissance de l’enfant jusqu’au moment où il plie bagage et part vivre sur le campus.
Toutes ces restrictions et pénalités s’appliquent non seulement aux grands-parents, mais à tout souscripteur de REEE. Si un souscripteur retire les revenus accumulés dans un REEE, il pourrait transférer les fonds dans son propre REER aux fins de report de l’impôt. Les grands-parents auront probablement déjà épargné pour leur retraite depuis un certain temps et épuisé leurs droits de cotisation au REER, alors que les parents auront probablement plus de latitude pour se prévaloir de cette option.
Si l’enfant abandonne son programme d’études, le souscripteur peut laisser les fonds dans le REEE, qui pourra demeurer ouvert pendant 35 ans, au cas où l’enfant décidait de retourner aux études plus tard. M. Lebane soulève un autre point à considérer : la possibilité que les grands-parents décèdent entre l’ouverture du REEE et le début des études postsecondaires de l’enfant, une situation potentiellement problématique si aucune disposition adéquate n’est prévue pour le REEE dans le testament des grands-parents. Dans certains cas, les fonds peuvent être assujettis à des frais d’homologation provinciaux et être considérés comme faisant partie intégrante de la succession.
Les grands-parents (et les parents) qui ont des questions sur le traitement de leur REEE dans le cadre de leur testament devraient consulter un avocat, un notaire ou un conseiller financier afin de nommer un souscripteur remplaçant.
En remettant le montant directement aux parents pour qu’ils le versent dans leur REEE, il est possible d’éviter les problèmes associés aux contributeurs multiples et à la gestion de différents régimes.
Même si les grands-parents sont enthousiastes à l’idée de financer les études d’un premier petit-enfant, ils doivent garder à l’esprit que gérer un REEE n’est pas un sprint, mais plutôt un marathon. Pour qu’un enfant tire pleinement parti de ses subventions, il faut cotiser au maximum. C’est ce qui permet de recevoir la subvention maximale du gouvernement fédéral chaque année jusqu’au plafond viager de 7 200 $.
De plus, il n’est pas étonnant de voir les grands-parents perdre leur enthousiasme au fil des ans, tout particulièrement à mesure que le nombre de petits-enfants ayant un REEE augmente.
Compte tenu de ces difficultés potentielles, M. Lebane est d’avis qu’à la place, les grands-parents peuvent faire un don en argent aux parents, qui seront alors les souscripteurs du régime. Il est ainsi possible d’éviter les problèmes de coordination et les complications décrites plus tôt. De plus, si les avoirs du régime sont investis activement, un des grands-parents ayant une plus grande expérience des placements que les parents pourrait être nommé mandataire ou personne autorisée à négocier, ce qui lui donnerait le droit de gérer le volet investissement du régime et permettrait aux parents de demeurer souscripteurs.
Certains grands-parents craignent qu’en remettant simplement les fonds aux parents, ils perdent le contrôle de l’argent censé servir aux études de leurs petits-enfants, notamment si leur enfant divorce et vit avec un nouveau conjoint qui n’a aucun contact avec les grands-parents. Ces derniers peuvent toutefois cotiser directement au régime, à condition d’avoir le numéro de compte ainsi qu’une permission écrite du souscripteur (du parent).
M. Lebane insiste : toute personne qui ouvre un REEE – pas seulement les grands-parents – devrait prendre les dispositions nécessaires dans son testament. La situation de chacun est différente. Si vous avez besoin de conseils pour gérer un REEE et les frais afférents ou pour déterminer la solution la mieux adaptée à votre situation familiale, M. Lebane recommande de consulter un planificateur financier, un conseiller en placement, un avocat ou un notaire.
— Don Sutton, Parlons argent et vie
- Weighted average undergraduate tuition fees for Canadian full-time students, by field of study, 2017/2018, Statistics Canada, Sept. 6, 2017, accessed Aug. 14, 2018, www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/170906/cg-b001-eng.htm ↩
- ACTUARIAL REPORT on the CANADA STUDENT LOANS PROGRAM as at 31 July 2016, Office of the Superintendent of Financial institutions Canada, p. 18, accessed Aug. 2, 2018, http://www.osfi-bsif.gc.ca/Eng/Docs/CSLP_2016.pdf ↩
- Weighted average undergraduate tuition fees for Canadian full-time students, by field of study, 2017/2018 ↩