Le chemin à suivre par les LGBTQ2+ pour fonder une famille

Les personnes LGBTQ2+ qui songent à avoir un enfant doivent payer les frais liés aux traitements de fertilité bien avant l’arrivée du bébé. En connaissant d’avance ce qui vous attend dans les cliniques et les cabinets d’avocats, de même que l’ampleur des coûts, vous pouvez vous préparer à suivre la voie de la procréation, qui est rarement sans embûches.
Initialement publié en mars 2019.
Si vous faites partie de la communauté LGBTQ2+, vous savez très bien qu’il n’existe pas de guide capable de vous préparer à l’arrivée d’un enfant. En fait, ça pourrait prendre un moment avant qu’on en rédige un. Les changements sociologiques et juridiques et les avancées scientifiques en matière de fertilité ont une influence constante sur l’évolution du concept de la famille, et chaque histoire de bébé est unique.
Par exemple, les dépenses en vue de fonder une famille pour les personnes qui utilisent des technologies de reproduction surviennent beaucoup plus tôt dans le processus que pour la plupart des couples hétérosexuels et représentent beaucoup plus que l’achat de couches. Il est important de comprendre les subtilités du processus pour fonder une famille et de solliciter des conseils financiers éclairés en cours de route.
Selon Heather Richardson, vice-présidente, Gestion de patrimoine TD, la planification familiale pour la communauté LGBTQ2+ peut entraîner des coûts supplémentaires dont la plupart des couples hétérosexuels n’ont pas à se soucier, mais les stratégies pour pouvoir payer ces frais sont les mêmes que pour tout autre objectif financier. Les gens doivent planifier et élaborer une stratégie financière afin de s’assurer qu’ils ont les moyens de fonder une famille. « Vous devez établir clairement l’objectif souhaité et établir un plan pour l’atteindre », souligne-t-elle.
Andy Inkster, promoteur de la santé au Centre de santé Sherbourne à Toronto, offre ses services aux parents LGBTQ2+. Il indique : « Les coûts liés à une mère porteuse, notamment le don d’ovules, les procédures de fécondation in vitro (FIV) et les frais juridiques, peuvent varier entre 30 000 $ et 150 000 $, 70 000 $ étant généralement la moyenne; c’est beaucoup d’argent. Les gens me demandent : ‘‘Comment allons-nous faire pour payer ces frais?’’ »1.
Prenons Mary et sa conjointe Norah*, de la région du Grand Toronto. Mary mentionne qu’il y a 15 ans, il n’existait pas beaucoup de possibilités pour fonder une famille. Elles ont essayé différentes méthodes avant d’opter pour l’insémination à la maison avec un donneur connu, car les coûts étaient peu élevés et elles ne se sentaient pas à l’aise de chercher un donneur dans un catalogue.
IIU : insémination intra-utérine
Procédure de fertilité qui consiste à introduire du sperme dans l’utérus de la femme, lorsque celle-ci est en période d’ovulation.
Coût : 500 $ par insémination
Sperme de donneur : De 1 000 $ à 2 000 $ par cycle
David Clemmer, personnalité de la télévision et styliste de célébrités, et son conjoint Stéphane Aubin ont fait appel à une mère porteuse, mais ils n’étaient pas du tout préparés aux rebondissements que le chemin vers la paternité leur réservait.
« Peu importe votre degré de préparation, si l’univers prévoit autre chose, vous êtes impuissants, que votre compte bancaire soit bien garni ou non », déclare David.
Pour ceux qui ne veulent pas recourir à l’adoption et qui souhaitent que leur enfant ait l’ADN d’un des parents, les procédures de fertilité et les médicaments sont coûteux, notamment l’obtention d’ovules ou de sperme. Chaque couple ou personne a une situation de départ différente et doit prendre des décisions en fonction des procédures et des événements qui se présentent. Si les parents en devenir sont en santé, le défi d’avoir un enfant signifie obtenir des ovules ou du sperme, passer à travers les procédures de fertilité pour garantir une grossesse et, si les futurs parents sont des hommes, trouver une mère gestatrice ou une mère porteuse.
Pour les parents potentiels, il est généralement judicieux de consulter un médecin et de visiter une clinique de fertilité avant d’entamer le processus de procréation. De plus, comme la loi sur la fertilité au Canada est en constante évolution que les couples de même sexe doivent encore faire face aux ambiguïtés et aux complexités juridiques, le fait de consulter un avocat expérimenté permettra aux parents éventuels de connaître les conséquences juridiques après la naissance de l’enfant.
L’un des aspects de la loi canadienne dont les gens doivent tenir compte est que le don d’ovules et de sperme et la maternité de substitution dans une optique altruiste, soit sans qu’il y ait échange d’argent, sont légaux au Canada. Cependant, il est illégal d’acheter des ovules ou du sperme d’un donneur ou d’une personne agissant au nom du donneur. Il est aussi illégal de rémunérer une mère porteuse pour porter un enfant, même s’il est légitime de payer des dépenses liées à une grossesse.
M. Inkster affirme que, d’après son expérience, une grossesse réussie est le résultat habituel dans la plupart des cliniques de fertilité. Par contre, lorsqu’on tient compte des coûts, il mentionne que les parents potentiels doivent comprendre qu’un couple peut essayer certaines techniques trois ou quatre fois avant de passer à une autre méthode de conception, et que tous ces « échecs » coûtent de l’argent.
FIV : fécondation in vitro
Procédure de fertilité selon laquelle un ovule est retiré du corps de la femme et fécondé en laboratoire. Une fois que l’embryon commence à croître, il est réintroduit dans l’utérus de la femme ou de la mère gestatrice, qui portera le foetus à terme.
FIV: 8 500 $
Médicaments pour la FIV : De 3 000 $ à 8 000 $ par essai
Remarque: En date d’octobre 2015, l’Ontario est devenue la première province à financer le premier essai de FIV, y compris l’injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde (IICS), pour les femmes de moins de 43 ans.
Mary et Norah : insémination à la maison
Après une longue recherche pour trouver un donneur, Mary et Norah se sont fait proposer l’aide d’un ami, Daniel. Cette situation était idéale pour elles, parce qu’elles voulaient que leur enfant ait une certaine figure paternelle.
Le couple a eu recours à l’insémination à la maison et – victoire! – Norah est tombée enceinte. Même si Mary et Norah ont été chanceuses cette fois-là, elles ont voulu un autre enfant quelques années plus tard, et c’est Mary qui allait porter le bébé. L’insémination à la maison n’ayant pas fonctionné, elles ont choisi d’obtenir de l’aide auprès d’une clinique de fertilité. Elles ont ensuite essayé l’insémination intra-utérine (IIU) avec l’aide de médicaments de fertilité, mais sans succès. Elles ont enfin tenté un essai de fécondation in vitro (FIV), mais Mary n’a toujours pas conçu.
À ce stade, elles ont décidé que Norah aurait de meilleures chances de devenir enceinte de nouveau grâce à l’insémination à la maison, et Mary et Norah ont eu leur deuxième enfant en 2011.
Les coûts pour fonder une famille LGBTQ2+
Il est difficile d’établir précisément les coûts des services offerts par une clinique de fertilité pour avoir un enfant en raison de la situation particulière de chaque famille. Les besoins varient et les familles ne disposent pas toutes des mêmes ressources. Les coûts connexes peuvent aussi augmenter en fonction de chaque traitement de fertilité.
De plus, les assurances du gouvernement ou les assurances privées couvrant les procédures et les médicaments de fertilité varient selon la province de résidence. Une clinique de fertilité peut être à but lucratif ou non, et les frais varient en conséquence. Les coûts des services de conseil et les frais administratifs peuvent être des coûts distincts ou faire partie d’un ensemble de frais liés aux traitements de fertilité.
Les frais accessoires doivent également être pris en compte. Si un couple a besoin d’une mère porteuse, il devra payer tous les frais liés à la grossesse. Il peut s’agir de courses en taxi à la clinique de fertilité ou de maternité, du remboursement de ses journées de salaire perdues ou d’une gardienne pour ses enfants.

Le chemin à suivre pour fonder une famille
1. Les personnes LGBTQ2+ ont toute une gamme de méthodes de fertilité à leur disposition, dont les coûts varient; toutefois, les traitements de fertilité et les banques de sperme et d’ovules font considérablement augmenter ceux-ci.
2. Si un parent choisit de faire affaire avec une clinique de fertilité, il doit prendre des décisions concernant la génétique de l’enfant. Les coûts associés aux programmes de don d’ovules commencent habituellement à 10 000 $; le don de sperme peut se chiffrer entre 1 000 $ et 2 000 $ par insémination.
3. Les gens peuvent avoir recours aux services d’une mère porteuse qui peut porter son propre ovule fécondé ou un autre ovule fécondé qui lui a été implanté. Les mères porteuses ne peuvent pas être rémunérées, mais les couples peuvent payer les frais comme le remboursement des journées de travail perdues.
4. La première procédure de fertilité à essayer est l’IIU. Il en coûte environ 500 $ par cycle, mais les médicaments de fertilité peuvent faire grimper les coûts.
5. Si l’IIU se révèle inefficace, l’étape suivante est la FIV, qui coûte 8 500 $ par essai. Les coûts liés aux médicaments pour la FIV peuvent s’élever de 3 000 $ à 8 000 $ par essai.
6. Dans le cas de la maternité de substitution, toutes les parties concernées doivent obtenir des conseils juridiques. Dans tous les cas, il faut obtenir une aide juridique compétente avant de commencer à fonder une famille; les coûts peuvent varier grandement selon la situation de chacun.
Coûts totaux
La situation et le chemin à suivre vers la parentalité sont différents pour chacun, et les coûts varient en conséquence. De même, l’assurance maladie provinciale, les frais de clinique, les assurances et l’assurance médicaments peuvent varier grandement.
David et Stéphane : recours à un don d’ovule et à une mère porteuse
Bien que la procédure de FIV soit la même pour n’importe quel couple, les hommes gais, comme David et Stéphane, doivent en outre avoir recours à une donneuse d’ovules et à une mère porteuse. Le choix de la donneuse repose sur les caractéristiques de cette dernière, notamment la couleur de la peau, et les couples peuvent opter pour une donneuse qu’ils connaissent ou une donneuse altruiste. Par exemple, la soeur d’un des hommes peut donner son ovule ou assumer la grossesse. Dans ce cas-ci, les frais sont minimes, mais si les parents éventuels doivent faire appel à une banque d’ovules, les coûts seront beaucoup plus élevés.
« Les programmes de don d’ovules fonctionnent de différentes façons; un montant de plus de 10 000 $ est habituellement versé à une banque d’ovules, qui envoie ensuite les ovules congelés à la clinique de fertilité avec qui vous faites affaire », précise M. Inkster.
« Stéphane et moi avons convenu de nous partager le nombre d’ovules et de féconder chacun la moitié des ovules prélevés. Nous avons implanté deux embryons chaque fois, et avons prié le “Dieu des bébés” pour qu’au moins l’un d’entre eux “prenne” », a indiqué David. David et Stéphane trouvent que le processus de recherche d’une mère porteuse est incroyablement lourd.
« Imaginez choisir parmi 2 000 étrangères la personne que vous souhaitez voir porter votre enfant. Ouf! » se rappelle David.
Ils ont choisi une femme mariée ayant deux enfants et habitant à deux heures de leur maison à Toronto, et qui avait déjà suivi le processus de FIV pour son premier enfant. Le premier transfert d’embryon a été une réussite, et ils ont attendu impatiemment l’échographie que la mère porteuse devait passer après six semaines.
« La technicienne qui effectuait l’échographie a eu un regard que nous n’oublierons jamais. Elle a quitté la salle rapidement et est revenue avec le médecin responsable de la FIV », se souvient David.
IICS : injection intracytoplasmique d’un spermatozoïde
Procédure qui consiste à sélectionner un seul spermatozoïde en santé et à l’implanter dans un ovule.
Coût : 1 500 $
Le médecin a expliqué qu’il s’agissait d’une grossesse tubaire à laquelle il fallait mettre fin. Tout le monde était en larmes, mais ils ont tous décidé d’essayer de nouveau.
À la suite de cet événement, le couple a appris que leur donneuse ne pouvait plus fournir d’ovules. Après une longue recherche, la cousine (adoptée) de Stéphane leur a offert ses ovules et ils ont essayé de nouveau. Encore une fois, le transfert a fonctionné, mais, une fois de plus, il s’est soldé par une grossesse tubaire.
Le troisième essai a été le bon. Leur fille Frankie est née en janvier 2016.
Les aspects juridiques
Il est fortement recommandé aux parents LGBTQ2+ de faire appel à un avocat qui maîtrise la loi sur la fertilité tout au long du processus de procréation, affirme Sara R. Cohen, fondatrice de Fertility Law Canada. Elle précise qu’il est difficile d’estimer les frais juridiques, car il existe de nombreuses voies qui s’offrent aux parents, et la situation de chaque couple est différente. Par exemple, les services d’une mère porteuse sont plus coûteux en ce qui concerne les frais juridiques que ne l’est le don de gamètes, ou les parents pourraient avoir besoin de différents services, comme le don d’ovules et les services d’une mère porteuse ou seulement le don de sperme, ou encore le don de sperme, le don d’ovules et les services d’une mère porteuse.
Mme Cohen affirme que la Loi sur l’égalité de toutes les familles de l’Ontario a permis de réaliser d’énormes progrès en éliminant des obstacles pour les parents LGBTQ2+. La loi élimine la discrimination que subissaient les parents de même sexe en supprimant les dispositions qui exigeaient que les parents ayant recours au service d’une mère porteuse ou à un don de gamètes adoptent officiellement leurs enfants ou produisent une déclaration de filiation. Mme Cohen précise tout de même que certains problèmes que la loi aurait pu résoudre persistent, car aucune disposition n’y remédie.
Elle mentionne que la loi stipule que les contrats de maternité de substitution entre les parents et une mère porteuse ne sont plus exécutoires. Cela signifie que si une mère porteuse change d’avis et souhaite garder l’enfant, on ne sait pas comment la cour trancherait s’il existe un contrat précisant les précédentes intentions de la mère de porter l’enfant seulement. Pour protéger toutes les personnes concernées par le processus juridique, dont les règles évoluent constamment, elle recommande fortement de rédiger les contrats afin d’établir, par exemple, les buts et les souhaits des parents, des donneurs altruistes et des mères porteuses, s’il y a lieu, et que toutes les parties obtiennent un avis juridique indépendant relativement aux contrats.
Mère gestatrice
Il s’agit du terme utilisé pour désigner une femme qui porte un foetus à terme pour un couple demandeur. On peut aussi parler de « mère porteuse gestationnelle ».
Épargner pour fonder une famille
Heather Richardson, de la TD, indique qu’une préparation financière réduit dans une certaine mesure le stress et l’anxiété au cours du processus. Elle mentionne que, malheureusement, il est impossible de connaître les coûts finaux avant l’arrivée du bébé. « Le processus comporte beaucoup d’inconnus. Il se peut qu’une personne ou un couple ait mis de côté une somme importante et que le processus se déroule très rapidement », dit-elle.
Par contre, elle précise qu’établir un budget, payer les frais fixes, comme le prêt hypothécaire et les cartes de crédit, puis ajuster les dépenses discrétionnaires en modifiant les dépenses liées au mode de vie peut aider à atteindre son objectif. Si on est propriétaire d’une maison, il est aussi possible de puiser dans la valeur nette de cette dernière.
Mais surtout, elle souligne que les couples qui souhaitent fonder une famille doivent se sentir à l’aise de travailler de pair avec un planificateur financier et de lui faire part de ces aspects de leur vie.
… et ils eurent beaucoup d’enfants
Maintenant qu’elle a fondé une famille, Mary est en mesure de réfléchir à la façon dont elle et sa compagne ont constitué leur famille et au rôle que chaque personne y joue. Il y a deux mères sur l’acte de naissance des enfants, et leur ami Daniel entretient une relation encadrée avec ceux-ci, mais la structure et la dynamique de la famille ne se sont pas mises en place sans discussions ni efforts.
« Les seuls qui n’ont jamais été perturbés par toute cette histoire sont les enfants eux-mêmes. Ils ont trois parents et ils n’ont aucun problème avec ça. Ils n’ont aucune difficulté à exprimer leur amour pour nous ou quoi que ce soit d’autre. »
David Clemmer affirme que faire un enfant a été le meilleur placement qu’ils n’ont jamais fait. « Si nous avions su que cela aurait été notre parcours, nous aurions choisi une tout autre voie. La façon dont les choses se sont déroulées est donc une bénédiction. Sinon, il y aurait deux pères très tristes et très seuls qui n’auraient pas leur petite Frankie », indique David.
*Les prénoms de Mary, Norah et Daniel ont été modifiés.
— Don Sutton, Parlons argent et vie
- Les frais médicaux indiqués sont fondés sur le barème de frais de la clinique de fertilité Mount Sinai, Sinai Health System en date du 11juillet 2016. Les frais peuvent changer et varier selon l’état de santé de la patiente, la province et la clinique. Les personnes qui envisagent d’entamer des procédures de procréation devraient consulter leur médecin. ↩