Le réputé philanthrope Richard Ivey affirme que pour lui et sa fondation familiale, les dons s’inscrivent dans un processus d’évolution. Président du conseil d’Ivest Properties et membre de l’Ordre du Canada, il soutient plusieurs causes touchant l’éducation, la santé et la collectivité. Perpétuant une tradition familiale, il s’investit dans le milieu philanthropique au Canada, où il a occupé de nombreux postes de direction. Par ailleurs, la Fondation Ivey consacre plus de 2 millions de dollars par année à des causes canadiennes.

Quand, dans la vingtaine, M. Ivey a commencé à siéger au conseil de la Fondation Ivey qui appartient à sa famille, il a vu l’approche de ses parents en matière de dons. Il se souvient que ses parents signaient beaucoup de chèques pour une multitude de bonnes causes, lui donnant ainsi une impression d’incohérence ou d’éparpillement. « Mes parents géraient la fondation sur le coin de la table, en quelque sorte, affirme M. Ivey. Je leur ai fait adopter l’idée d’une approche mieux ciblée, car j’estimais que nous pouvions en faire plus. »

L’Art de Donner : Conseils des plus grands philanthropes du Canada

Le livre The Philanthropic Mind: Surprising Discoveries from Canada’s Top Philanthropists présente les points de vue de M. Ivey et d’autres éminents philanthropes canadiens. À travers des entrevues et des comptes de patrimoine, le livre traite des motivations de généreux Canadiens qui ont ensemble donné plus de 12 milliards de dollars en 2013, selon Statistique Canada 1.

Les dons philanthropiques débordent maintenant le simple cadre de la stratégie d’économie d’impôt. Les donateurs veulent mesurer l’incidence de leurs ressources et s’assurer qu’elles sont judicieusement utilisées. « La philanthropie est une sphère où les organismes sans but lucratif et le milieu des affaires doivent trouver un terrain d’entente, affirme le coauteur Chuck English. Or, ce n’est pas toujours le cas, en raison essentiellement d’attentes très différentes. Le philanthrope qui rêve de changer le monde peut se buter à la réalité de l’organisme sans but lucratif qui a tout juste besoin d’assez d’argent pour verser les salaires du mois. Pareille situation engendre souvent une déception réciproque. »

Plusieurs grands philanthropes au Canada adoptent des stratégies opérationnelles visant à satisfaire les besoins des donateurs et des organismes sans but lucratif. Voici quelques conseils pour que vos activités philanthropiques pèsent dans la balance.

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Commencez par donner du temps, puis de l’argent

Pour un organisme à but non lucratif, vos connaissances et votre expertise peuvent être tout aussi précieuses qu’un chèque. Parfois, un tel organisme a surtout besoin de conseils sur différents aspects, allant de l’argumentaire pour recueillir des dons jusqu’au recrutement de talents. Travailler auprès d’un organisme sans but lucratif peut vous donner l’occasion de faire un examen approfondi de sa gestion et de voir comment vos dons seraient utilisés. Une fois que vous vous sentez à l’aise avec l’organisme et estimez qu’il peut bénéficier d’un don, vous pouvez logiquement le soutenir financièrement. Hal  Jackman, ancien lieutenant-gouverneur de l’Ontario, est bien connu pour ses activités caritatives. « Je m’intéressais à l’opéra, mais il me semble que j’ai siégé au conseil de la compagnie d’opéra avant de lui donner de l’argent, affirmet-il. De même en a-t-il été pour l’Université de Toronto. Ce sont les deux organisations auxquelles j’ai donné le plus. J’ai œuvré auprès de l’université avant de prendre la décision de lui donner de l’argent. »

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Prenez quelques risques

Prendre des risques calculés peut être bon dans le milieu des affaires, mais est-ce la même chose dans le milieu philanthropique? M.  English le croit. «  Bon nombre des projets financés par les philanthropes interrogés étaient novateurs et intrinsèquement risqués, affirme M. English. Plusieurs philanthropes sont à l’aise de prendre des risques, ce qui les sert bien dans leurs activités d’affaires et de bienfaisance. » Par exemple, les programmes de doctorat en droit et de maîtrise en administration des affaires que Jay Hennick, chef de la direction fondateur de FirstService Corporation, a voulu créer à l’Université d’Ottawa et à l’Université de Toronto sont uniques au Canada. Ces programmes sont toujours offerts, des décennies plus tard.

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Adoptez une approche judicieuse en matière de dons

Les philanthropes veulent que leur argent soit bien utilisé et influe sur le cours des choses. De plus en plus, les philanthropes considèrent leurs dons comme un investissement qui peut produire les résultats escomptés. Un moyen de protéger votre investissement est d’établir une relation à long terme avec l’organisation intéressée. Pour réduire les risques au minimum, au lieu de donner un gros montant d’un coup, songez à faire des dons échelonnés. À l’instar d’Eric Sprott, commencez par faire de petits dons, puis augmentezles lorsque vous êtes en confiance. Son premier don à l’Université Carleton, peu après l’obtention de son diplôme, n’était que de 200 $. Aujourd’hui, il est l’un des donateurs les plus généreux de cette université. Cette approche vous permet de vraiment connaître l’organisation et ses activités.

M. Hennick considère que les dons importants doivent faire l’objet d’un plan à long terme. « Donnez-moi un plan sur cinq ans. Je ne veux pas seulement des chiffres, dit M. Hennick. Faites-moi part de quelques mesures que vous avez grandement confiance de dépasser, pour que je sache à tout le moins que nous allons dans la bonne direction. Voilà l’approche que les donateurs devraient adopter dans le cas de dons importants. »

Jo-Anne Ryan, vice-présidente, Services-conseils en philanthropie à Gestion de patrimoine TD, et directrice générale de la Fondation de dons particuliers, convient que la meilleure approche en matière de philanthropie repose sur l’élaboration d’un plan contenant des objectifs à long terme. « Avec nos clients, nous élaborons un plan détaillé en fonction de leurs finances, et nous faisons des projections sur cinq ans et à plus long terme, affirme Mme Ryan.

Souvent, le client constate qu’il disposera de plus d’argent que ce dont il aura besoin durant sa vie, ce qui constitue l’occasion parfaite de discuter de la façon d’atteindre ses objectifs philanthropiques. »

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Définissez clairement les objectifs et les attentes

Si vous abordez les dons sous le même angle que les placements, alors prenez en considération ce qui constituerait un rendement adéquat. Un bon rendement pourrait être un accroissement de 20 % de la collectivité desservie par l’organisme ou, encore, l’optimisation des ressources de ce dernier. Selon Marla Dan, de la Aubrey and Marla Dan Charitable Foundation, la nouvelle génération de philanthropes exige des résultats. « Je crois que les jeunes philanthropes établissent des rapports différents avec l’argent, dit Mme Dan. Ils ne veulent pas se contenter de signer des chèques, sans poser de questions. En fait, ils exigent des données précises sur la finalité, l’utilisation et la gestion de leur argent, ainsi que sur le nombre d’intermédiaires en cause. »

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Tenez compte de vos intérêts d’affaires

De plus en plus, les sociétés considèrent la responsabilité sociale d’entreprise comme une occasion de consolider leurs activités tout en donnant. Certaines sociétés novatrices s’associent même à des organismes à but non lucratif, estimant qu’il s’agit d’un moyen de créer de la valeur pour leurs affaires et la société.

« Parmi les sociétés les plus généreuses au Canada, nombreuses sont celles qui nous ont parlé des différentes façons dont ils concilient leurs objectifs d’affaires avec leurs dons, affirme le coauteur, Mo Lidsky. C’est une approche judicieuse sur le plan des affaires. » Lorsque le Musée des beaux-arts de l’Ontario a accueilli une prestigieuse collection d’œuvres d’art, notamment de Renoir et de Picasso, la société d’investissement Gluskin Sheff and Associates y a vu une occasion. Elle a commandité l’exposition en raison de ses liens avec la richesse, la culture et le prestige – des valeurs qui cadrent avec ses activités.

Un plan ciblé et bien pensé peut aider votre argent à avoir un plus grand impact. « Au Canada, il y a 86 000 organismes de bienfaisance qui vous téléphonent et cognent à votre porte pour solliciter des dons – et vous ne pouvez les satisfaire toutes, dit M. Ryan. En faisant part de vos objectifs philanthropiques à votre conseiller, vous pourrez mieux cibler les causes qui vous permettront de laisser un héritage. »

Le livre The Philanthropic Mind peut être une source d’inspiration et d’idées pour votre plan caritatif. « Nous espérons que ceux qui s’engagent tout juste sur la voie de la philanthropie y trouveront des expériences et points de vue intéressants et motivants, affirme M. Lidsky. Nous croyons que leurs récits et points de vue peuvent être fascinants, intéressants et inspirants pour toute personne, de tout horizon, qui cherche simplement un quelconque moyen de faire bouger les choses. »

Écrit par Denise O’Connell, Parlons argent et vie