La course à l’argent:
Pouvez-vous vous permettre d’élever un athlète d’élite?

Quand le petit réussit un tour du chapeau, tout le monde s’emballe : le petit, ses parents, ses coéquipiers, son entraîneur. On l’imagine tout à coup dans un uniforme des grandes ligues. Mais élever un athlète d’élite peut s’avérer très coûteux, sans aucun retour sur l’investissement. Voici quelques-unes des dépenses habituellement associées au développement d’un athlète; à vous de décider si vous voulez vous prêter au jeu.
Si quelqu’un sait ce qu’il faut pour être athlète d’élite, c’est bien Paul Poirier et Piper Gilles. Paul et Piper, qui ont tous deux vingt-cinq ans et qui ont remporté quatre médailles canadiennes en danse sur glace, s’entraînent intensément et sont en voie de faire leur chemin jusqu’aux Jeux olympiques de 2018. Temps de glace, costumes, entraîneurs… les deux athlètes et leurs parents ont dépensé une petite fortune pour ce sport.
« Mes parents ne m’ont jamais donné un montant précis, mais j’imagine qu’à ce stade, il serait suffisant pour acheter une autre maison », dit Paul.
Piper acquiesce et ajoute : « Une très belle maison! »
Toutefois, on a beau acheter des patins artistiques sur mesure et payer des frais de déplacement pour des compétitions autour du monde, les deux patineurs conviennent que même si on investit beaucoup pour développer un athlète d’élite, l’argent ne garantit pas le succès.
« L’argent n’achète pas le travail, le sacrifice et le dévouement », souligne Piper.
« Avec plus d’argent, dit Paul, on achète certainement plus de séances d’entraînement, mais cela ne se traduit pas nécessairement en résultats. »
« L’argent n’achète pas le travail, le sacrifice et le dévouement. »
Essayez cependant d’expliquer cela à des parents qui viennent tout juste de voir leur fils ou leur fille recevoir le prix d’athlète par excellence au dernier banquet sportif… Souvent, ce qui commence par une inscription dans une ligue locale se transforme rapidement en sélection dans des équipes d’élite de ligues intercités, en entraînement coûteux et en séances de perfectionnement durant la saison morte. De nombreux parents veulent simplement que leurs enfants atteignent leur plein potentiel, mais certains admettent volontiers entrevoir la promesse de bourses de grandes universités, de carrières professionnelles et de contrats de publicité.

La première période : les sports organisés
Selon l’Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie, 77 % des jeunes de 5 à 19 ans pratiquent des activités physiques ou des sports organisés. Les jeunes sportifs représentent un marché de 5,7 milliards de dollars; les dépenses sportives annuelles moyennes d’une famille s’élèvent à près de 1 000 $ par enfant1.
Selon un rapport sur la pratique sportive chez les jeunes, les sports d’équipe populaires comme le basketball, le volleyball et le soccer coûtent de 25 à 50 % moins cher que la moyenne. Le hockey est quant à lui au deuxième rang des sports les plus coûteux parmi les sports étudiés. Les trois sports les plus coûteux pour les jeunes, en fonction des dépenses annuelles moyennes déclarées, sont le ski nautique (2 028 $), le hockey (1 666 $) et l’équitation (1 434 $). À l’autre bout du spectre, les choix les plus abordables sont l’athlétisme (226 $) et le vélo (237 $). Ces coûts comprennent les dépenses en équipement, les frais d’inscription à des ligues et les frais de déplacement2.
La participation d’enfants à des activités sportives, à quelque niveau que ce soit, présente des avantages qui peuvent largement compenser les coûts financiers. Des études montrent qu’outre la forme physique, l’activité physique et la réussite scolaire sont étroitement liées. Il est également démontré que la pratique sportive a des effets positifs sur le comportement des enfants3. Mais à mesure que les parents investissent en équipes sportives de haut niveau et en occasions de perfectionnement, y a-t-il un stade où les coûts commencent à peser plus lourd que les avantages?
Prolongations et dépenses excessives : le niveau supérieur
Paul conseille aux parents d’encourager la pratique sportive diversifiée aussi longtemps que possible plutôt que de précipiter la spécialisation de leurs enfants et la progression dans un sport en particulier. « Je crois qu’il est primordial de ne pas laisser son enfant se spécialiser trop tôt, dit-il. Les enfants qui acquièrent différentes aptitudes en pratiquant différents sports sont des athlètes plus complets et sont moins sujets aux blessures à long terme. »
Toutefois, si vous êtes convaincu que votre enfant a un avenir dans un sport et que vous l’encouragez à se spécialiser, vous devez savoir qu’il s’agit d’un important engagement financier. Bien sûr, la pratique de plusieurs sports entraîne diverses dépenses, mais à un haut niveau, aucun sport n’est bon marché. Chris Chard, professeur associé au programme de gestion sportive de l’Université Brock, estime que les athlètes qui veulent s’entraîner à un niveau élevé peuvent s’attendre à des dépenses pouvant facilement avoisiner 15 000 $ par année, selon le sport. Et ce, pour un seul enfant. Une famille ayant des prédispositions pour le sport peut dépenser beaucoup plus. M. Chard a un enfant de huit ans qui commence tout juste la natation de compétition, ainsi que deux adolescents pratiquant le hockey dans des équipes intercités. Il doit lui-même gérer des problèmes de dépenses.
« Ce ne sont pas nécessairement les coûts directement associés à la pratique sportive qui sont les plus difficiles à assumer pour les parents, dit-il. Ce sont en fait les petites choses, comme l’essence nécessaire pour parcourir des milliers de kilomètres afin d’aller d’un tournoi à l’autre. L’équipement peut aussi représenter une part très importante des dépenses. »
M. Chard affirme que ses fils peuvent utiliser chaque saison trois ou quatre bâtons de hockey à 300 $ pièce. Il avance aussi que les parents font face à la pression exercée par leurs pairs pour acheter le meilleur équipement à leur enfant, en présumant qu’une chaussure ou un patin de qualité supérieure, par exemple, peut améliorer la performance de façon exponentielle.
Selon Paul, l’investissement dans un équipement de qualité supérieure pour un athlète est une question délicate. « À mon avis, dit-il, le meilleur moment pour investir dans un équipement de qualité supérieure est lorsque l’on croit qu’un équipement de moins bonne qualité empêche l’athlète de donner le meilleur de lui‑même ou se brise trop rapidement parce que l’athlète s’entraîne énormément. »
Piper conseille aux parents d’essayer de l’équipement légèrement utilisé, dans la mesure du possible. Ils peuvent ainsi voir si l’enfant se plaît à l’utiliser avant d’acheter de l’équipement tout neuf.
« Ce ne sont pas nécessairement les coûts directement associés à la pratique sportive qui sont les plus difficiles à assumer pour les parents. Ce sont en fait les petites choses... »
Les athlètes de haut niveau affrontent d’autres athlètes de haut niveau, ce qui se traduit souvent par de longs déplacements, parfois à l’étranger. Cela peut être difficile à croire, mais même si un athlète fait partie de l’équipe canadienne, la plupart des dépenses associées aux déplacements pour participer à des compétitions internationales ne sont pas nécessairement couvertes ou subventionnées, ce qui signifie que les parents et les athlètes doivent en assumer les coûts. Même lorsque les frais de déplacement de l’athlète sont couverts, les parents qui souhaitent assister à la compétition en personne doivent s’y rendre par leurs propres moyens. Il arrive fréquemment que les parents d’athlètes canadiens participant aux Jeux olympiques n’aient d’autre choix que de regarder la compétition à la télévision.
Arnaques : connaître les règles du jeu
Là où il y a des parents obnubilés par l’activité de leur enfant, il y a des arnaques. Les parents doivent garder la tête froide à l’égard des produits et des services qu’ils achètent pour essayer de procurer un avantage à leur enfant.
Il faut faire des recherches sur les clubs et les entraîneurs avec qui on s’associe. Ceux-ci doivent être certifiés. Il faut également consulter d’autres personnes pour savoir si des camps, des entraîneurs ou des programmes sont connus et respectés.
« Je crois que le plus important est de toujours chercher à obtenir plusieurs opinions, affirme Paul. Il faut essayer de parler avec les autorités régissant votre sport ainsi qu’avec des parents ayant des enfants plus âgés, qui connaissent davantage le milieu. »
Certains services de recrutement de bourses sportives promettent d’aider votre enfant à obtenir des bourses aux États-Unis en prétendant avoir accès à des personnes haut placées et à des renseignements privilégiés. On vous facture des milliers de dollars pour inscrire votre enfant dans une banque de données et mettre votre athlète en contact avec des recruteurs universitaires. Il n’y a toutefois pas de raccourci pour obtenir une bourse d’études sportives dans un établissement scolaire réputé. En fait, certains de ces services peuvent nuire aux chances de recrutement de votre enfant puisqu’ils ne jouissent pas d’une bonne réputation auprès des recruteurs universitaires. Si vous voulez emprunter la voie de la bourse d’études, amorcez très tôt vos recherches et préparez-vous en conséquence.
De nombreuses autres arnaques courantes ciblant les parents d’athlètes sont largement dénoncées sur Internet par des parents qui ont le sentiment d’avoir été floués. Ces arnaques prennent la forme de publications qui promettent de rédiger des articles de fond sur votre enfant moyennant une certaine somme, ou qui menacent de lui faire mauvaise presse si vous ne les payez pas. Les vitrines ou les événements censés attirer des recruteurs réputés et de haut niveau pour voir jouer votre enfant en échange de frais d’inscription coûteux devraient être envisagés avec prudence.
L’importance d’un plan de match financier
Chris Gandhu, planificateur pour les clients à valeur nette élevée à Gestion de patrimoine TD, commence à découvrir ce que signifie avoir un enfant pratiquant un sport de compétition. Son fils de six ans amorce une carrière en gymnastique de compétition, ce qui l’amènera rapidement à mettre à profit son expertise en gestion financière.
Selon M. Gandhu, si un parent peut être submergé par les dépenses, une bonne planification peut l’aider à composer avec les limites de ses revenus.
« Envisagez de mettre en commun vos ressources avec d’autres parents, propose‑t‑il. Faites du covoiturage pour aller aux tournois, ou partagez la responsabilité d’accompagner l’équipe. Si vous embauchez un entraîneur, partagez les séances avec d’autres athlètes pour réduire les coûts. »
15 000 $
15 000 $ par année : montant estimatif des dépenses pour un jeune sportif de haut niveau.4
M. Gandhu prétend aussi qu’on ne saurait sous‑estimer l’impact d’une collecte de fonds. « Personne n’aime être constamment sollicité pour des dons, mais un moyen amusant et efficace de collecter des fonds pour une équipe peut vraiment réduire les dépenses. Dans le même esprit, le financement populaire, c’est‑à‑dire collecter des fonds auprès de vastes groupes sur des sites Web comme Indiegogo ou Kickstarter, devient un moyen de plus en plus répandu de financer des équipes sportives. »
Et comme pour tout objectif personnel, la planification financière est importante, ajoute-t-il. Travaillez avec un professionnel des services financiers qui peut vous aider à épargner et à investir pour financer les activités de votre enfant. Si vous et votre enfant êtes déterminés à ce qu’il fasse carrière dans le sport, ou simplement qu’il atteigne les plus hauts niveaux d’excellence sportive, évaluez ce qu’il en coûtera pour intégrer les dépenses à votre budget, à court et à long terme.
Paul affirme que, parfois, des parents s’emballent et ne se demandent même pas si leur enfant éprouve du plaisir à pratiquer son sport. Leur jugement quant au talent de leur enfant peut être faussé.
« Recueillez de nombreuses opinions éclairées sur le talent de votre enfant et sur les exigences d’entraînement nécessaires pour atteindre le niveau supérieur, conseille-t-il. Assurez-vous également de demander l’avis de personnes qui n’ont pas intérêt à vous soutirer de l’argent. »
Piper rappelle qu’il faut toujours soutenir son enfant et ne jamais oublier que le sport est d’abord une source de leçons de vie avant d’être une possibilité de carrière.
« Assurez-vous que vous connaissez bien tout ce dans quoi vous investissez et que votre enfant aime ce qu’il fait, car, au bout du compte, le sport est exigeant. Il mettra votre enfant à l’épreuve, mais l’amour du sport le mènera loin et lui offrira des expériences qui n’ont pas de prix. »
— Denise O’Connell, Parlons argent et vie
- Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie. « Les enfants en jeu! », 2015. Consulté le 30 mai 2017. www.cflri.ca/sites/default/files/node/1427/files/EAPJC_2015_Bulletin%202%20 -%20Participation%20%C3%A0%20l%E2%80%99AP%20et%20au%20sport%20organis%C3%A9s.pdf. ↩
- Solutions Research Group Consultants. « Youth Sports Report », 2014. Consulté le 30 mai 2017. srgnet. com/2014/06/10/massive-competition-in-pursuit-of-the-5-7-billion-canadian-youth-sports-market/.↩
- Institut Aspen. « Facts: Sports Activity and Children. » Consulté le 6 juin 2017.↩
- Source : Chris Chard, Université Brock↩