
Investir après 70 ans : la stratégie change-t-elle?
Avoir 70 ans peut constituer une période charnière pour les finances personnelles. À ce moment, la plupart des épargnants commencent à retirer leurs économies. Mais devriez-vous cesser d’investir pour autant? La réponse risque de vous surprendre.
En 2014, Statistique Canada a sondé les Canadiens de 55 ans et plus pour connaître leurs attentes en matière de revenu à l’approche de la retraite. À la question « Votre revenu sera-t-il suffisant lorsque vous cesserez de travailler? », la vaste majorité des Canadiens (86 %) ayant fait des études postsecondaires ont répondu ne pas être inquiets1.
Mais, comme chacun le sait, la décennie a été tumultueuse jusqu’à maintenant. Il suffit de penser à la COVID-19, à l’inflation et aux conflits internationaux. À l’aube de leurs 70 ans, nombre des répondants doivent prendre des décisions liées à la retraite et à la santé. Ils songent peut-être à déménager dans plus petit et réfléchissent à la suite des choses. Ils peuvent se demander s’il est temps de revoir les placements.
Que vous investissiez pour faire fructifier vos revenus supplémentaires ou que vous craigniez de manquer d’argent à la retraite, vous cherchez peut-être la meilleure solution pour vous. Devriez-vous être plus ou moins audacieux ou le contraire dans vos placements? Et si vous ne vous êtes jamais intéressé à vos placements, est-ce le moment de vous initier aux ratios cours-bénéfices?
Pour Kris Côté, planificateur financier agréé, Gestion de patrimoine TD, la réalité à 70 ans peut sembler très loin des attentes, mais les grandes lignes demeurent les mêmes.
« La planification commence environ cinq ans avant d’avoir 70 ans, explique-t-il. Les changements définis à 65 ans devraient être en place avant d’avoir 70 ans. Il faut avoir une vue d’ensemble, être prêt. »
« Par exemple, si je rencontre un client de 70 ans, aucun de nous deux n’aura entendu parler de la COVID-19 lorsqu’il avait 65 ans, souligne M. Côté. Certains aspects de la planification sont stables et prévisibles, mais votre plan doit être assez souple pour s’adapter aux imprévus. On ne peut pas prévoir aussi loin dans le temps. »
« La planification commence environ cinq ans avant d’avoir 70 ans, estime Kris Côté, Gestion de patrimoine TD
Selon lui, la stratégie adoptée doit laisser une certaine marge de manœuvre. Un bon plan de placement à cet âge devrait suivre de près les décisions prises à 65 ans, elles-mêmes dérivées de la planification faite à 60 ans. Les grands changements devraient être rares. Comparable à un jeu de construction dont les morceaux s’imbriquent parfaitement les uns aux autres, votre plan financier à long terme vous a conduit à cette étape en mettant l’accent sur la préservation de votre patrimoine et l’atteinte de vos objectifs.
Si vous approchez 70 ans et que vous vous demandez toujours comment gérer vos placements, voici quelques points importants à retenir.
Évaluez votre horizon de placement et votre tolérance au risque
Les préoccupations financières ne disparaissent pas avec l’âge. Dans votre nouveau contexte financier, vous êtes privé de salaire, mais n’échappez pas aux retraits, ce qui cause un certain malaise puisque – comment dire – le temps vous rattrape.
« Si on a de la difficulté à gérer son argent à 50 ans, ça ne va pas s’arranger à 70 ans, explique M. Côté. L’épargne et les placements, ça s’apprend. Ce n’est pas un comportement inné qui s’installe par magie avec la sagesse à un certain âge. »
Selon lui, les épargnants qui suivent un plan de placement depuis des années n’auront probablement aucune raison d’investir davantage. La trajectoire définie devrait permettre de parer à toute éventualité, comme de manquer d’argent – une crainte souvent évoquée. Et si votre planification laisse à désirer, M. Côté rappelle qu’il existe d’autres moyens. Par exemple, votre budget mensuel vous permet peut-être d’épargner plus. Plutôt que de recourir à des placements plus risqués, vous pourriez adapter votre style de vie à vos objectifs et parvenir au même résultat. Une semaine aux îles Turks et Caicos pourrait être plus économique et tout aussi agréable que deux semaines à Tahiti.
Planifiez les retraits de votre FERR
Vous devez convertir votre régime enregistré d’épargne-retraite (REER) en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou en rente avant la fin de l’année de votre 71e anniversaire et commencer les retraits l’année suivante. Tout ça peut sembler mystérieux. Devez-vous épargner cet argent, l’investir ou le dépenser? Quelles sont les conséquences fiscales?
Côté offre quelques conseils. Si le FERR est une source principale de revenu, vous voudrez naturellement l’utiliser pour vos dépenses quotidiennes – c’est à ça qu’il sert. Toutefois, si vous ou votre conjoint bénéficiez d’un régime de retraite suffisant d’un employeur ou du gouvernement, plusieurs options s’offrent à vous. Évidemment, libre à vous de dépenser cet argent. Vous pourriez toutefois aussi le placer dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ou dans un compte non enregistré. Par contre, les conséquences fiscales seront différentes. Aux fins de planification successorale, ces fonds peuvent servir à faire des dons aux membres de la famille de votre vivant ou même des dons de bienfaisance.
Cette dernière option à caractère caritatif peut également procurer des avantages fiscaux tant au donateur qu’au donataire. Donner de l’argent (ou même des placements) de votre vivant plutôt que par testament peut être plus avantageux sur le plan fiscal; plus de fonds pourront servir à soutenir votre cause préférée. Bien entendu, faire un don de votre vivant vous permet aussi d’être témoin des bienfaits de votre décision.
Explorez les conséquences fiscales
Le retrait d’un FERR entraîne des conséquences fiscales. À mesure que vous retirerez de votre FERR les fonds mis de côté dans votre REER durant vos années de gains, l’argent sera imposé à titre de revenu. L’objectif ultime de vos régimes d’épargne enregistrés se concrétise à ce moment-là; votre taux d’imposition devrait être moins élevé à 70 ans que durant vos années de travail.
Comme pour les autres aspects d’un plan financier, un septuagénaire devrait déjà suivre une stratégie fiscale. Par exemple, il peut être judicieux, selon votre situation et votre niveau de revenu, de retirer des fonds de votre REER dans la soixantaine pour équilibrer la facture fiscale plus tard.
Vous pourriez aussi compenser l’impôt dû en maximisant vos placements dans votre CELI. Parmi les autres options, il y a aussi le fractionnement du revenu avec un conjoint, les crédits d’impôt pour don de bienfaisance et les autres stratégies de réduction de l’impôt.
Mais déployer de grands efforts pour réduire votre obligation fiscale pourrait causer plus de tort que de bien. « Même si chacun devrait chercher à réduire sa facture fiscale au minimum, le fait de payer de l’impôt reflète une accumulation du patrimoine. L’impôt ne devrait pas être le seul facteur à considérer dans les décisions, prévient M. Côté.
Gérez vos prestations de la SV et du RPC
Considérer les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et du Régime de pensions du Canada (RPC) comme un placement qui peut croître sans exiger trop d’effort simplifiera peut-être vos décisions quant au moment d’en faire la demande. Par exemple, à moins que vous ayez besoin des fonds, si vous reportez de 65 à 70 ans l’âge pour toucher vos prestations, vous pourriez bonifier le RPC de 0,7 % par mois, jusqu’à concurrence de 42 %. Assurément, peu d’autres stratégies sont capables de faire fructifier autant votre argent.
Malheureusement, personne ne connaît l’âge de son décès. La stratégie ci-dessus ne fonctionne que si vous croyez vivre assez longtemps pour recevoir et utiliser les fonds. Si vous pensez franchir les 80 ans – ce qui sera le cas de beaucoup de Canadiens selon les statistiques – vous auriez avantage à reporter le plus longtemps possible votre demande au titre du RPC.
Dans le cas de la SV, beaucoup craignent que l’impôt de récupération réduise leurs prestations. La SV diminue lorsque le revenu net atteint un certain niveau. Pour l’année 2023, ce revenu est de 86 912 $. Selon M. Côté, il existe plusieurs façons de réduire le revenu et d’éviter l’impôt de récupération. Néanmoins, il ne faut rien précipiter simplement pour contourner l’impôt de récupération.
Côté insiste : il faut se montrer prudent quand on investit soi-même et tenir compte de plusieurs facteurs financiers. Il faut définir des objectifs et les ressources pour les atteindre en suivant un plan, plutôt que d’attendre des années après la retraite. Une fois les objectifs établis, les placements, les stratégies fiscales et la planification financière et successorale se mettent en place.
« Un planificateur financier peut vous aider à déterminer ce qui convient le mieux à votre situation ou vous présenter une meilleure solution que vous ne le pensiez, estime M. Côté. « Un plan vous évite de jouer aux devinettes. »
DON SUTTON
PARLONS ARGENT
ILLUSTRATION
DANESH MOHIUDDIN
- « Revenus à la retraite : les attentes par rapport à la réalité », Statistique Canada, 13 déc. 2022. Consulté le 25 sept. 2023, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2022088-fra.htm ↩