
Guide de survie pour la réouverture
C’est emballant, et même un peu effrayant. Alors que de plus en plus de Canadiens se font vacciner, nous pourrions de nouveau envisager de prendre des vacances, d’acheter de nouveaux vêtements pour le bureau, d’assister à des événements sportifs et de déguster un repas dans un restaurant. Sommes-nous prêts pour tout ça? Et qu’en est-il de nos finances?
Gina se souvient vaguement d’une époque où son rythme de vie était tellement effréné qu’elle empruntait l’autoroute à péage pour gagner du temps et éviter la circulation. Ensuite, elle poursuivait sur sa lancée, s’en tenant à du café provenant de services à l’auto et en se procurant des repas à emporter sur le chemin du retour, lorsqu’elle avait oublié de sortir quelque chose du congélateur. Maintenant, quand elle repense à ces jours, elle comprend mal pourquoi elle menait une telle vie.
« Après une année de pandémie, la différence entre les désirs et les besoins saute littéralement aux yeux, affirme-t-elle. C’est incroyable de voir ce dont on n’a pas réellement besoin ou ce dont on peut se passer. J’avais l’habitude de dépenser beaucoup d’argent afin de m’acheter des choses en guise de récompense. Je ne veux pas revenir à cela. »
Après plus d’un an de mesures de confinement locales et provinciales ainsi que de faux départs, des signes de reprise économique ont commencé à se manifester alors que la vaccination progresse partout dans le monde. En mars, les Services économiques TD ont prévu que la production économique du Canada pourrait atteindre les niveaux d’avant la pandémie au troisième trimestre de 2021, soit des mois plus tôt que prévu1. Nous ne savons pas encore si, et quand, nous arriverons à un moment où nous ne porterons plus de masque, mais les économistes voient la lumière au bout du tunnel concernant la pandémie de COVID-19.
Même si nous sommes heureux de renouer avec les activités et les personnes que nous aimons, nous sommes également nombreux à prendre le temps de réfléchir à ce que pourrait ressembler la « normalité » et à ce que nous voudrions qu’elle ressemble. Pour certains, l’idée même d’un retour à un monde post-COVID-19 est tellement pénible que les psychologues ont inventé l’expression « syndrome de la cabane »2. Ils ont observé que parmi les personnes vaccinées, certaines sont encore anxieuses à l’idée de sortir ou de recevoir des gens à la maison.
« Il existe une grande variété d’émotions liées à la perspective de la réouverture, y compris des réactions mitigées », explique Karyn Hood, psychologue clinicienne, propriétaire d’un cabinet privé à Toronto. « Il y a des personnes qui attendent avec impatience le moment où elles pourront jouir de nouveau de certaines libertés personnelles, car elles ont besoin des relations interpersonnelles et des routines structurées qui font partie de la vie quotidienne. D’autres sont plus inquiètes à l’idée de réintégrer la société. Certaines de ces personnes, en particulier les introvertis et les personnes atteintes de troubles anxieux, se sont habituées à vivre “dans une bulle” et ont accueilli favorablement la sécurité, le confort et la routine qui viennent avec le fait de rester à la maison. » « La sécurité et le confort sont devenus le statu quo », affirme Ryan Lanaus, planificateur financier au sein de Gestion de patrimoine TD à London, en Ontario.
« Pour certains, il peut être particulièrement rassurant de voir une partie de l’argent supplémentaire s’accumuler dans leurs comptes bancaires. Mais en raison de la demande comprimée, nous pourrions mettre en danger ces économies si nous ne retournons pas à la vie normale de façon réfléchie. »
Compte tenu de cela, quels aspects de la vie d’avant la pandémie avez-vous le plus hâte de retrouver? Que feriez-vous différemment, si vous le pouviez? Que vous ressentiez de l’impatience à passer à l’action ou un peu d’incertitude, notre guide de survie sur la réouverture examine certaines des activités que nous anticipons le plus et plusieurs que nous n’anticipons pas, en plus de se pencher sur les façons dont nous pouvons nous préparer.
Votre retour au bureau
« J’ai presque toujours travaillé à la maison, alors cette situation n’a pas changé. Je ne veux pas que ma femme retourne au bureau, mais j’ai hâte de pouvoir aller travailler dans un café, afin que nous ne soyons pas tou-jours ensemble. »
– Eric
Certaines personnes ont dû travailler dans un bureau de fortune aménagé dans un coin de la cuisine, tandis que d’autres répondent à leurs courriels avec un tout-petit sur leurs genoux. Beaucoup ont vécu une situation plus difficile en raison d’un ralentissement dans leur secteur. Que vous retourniez travailler dans un bureau ou que vous espériez que la reprise économique se traduise par un emploi plus stable, c’est enthousiasmant de penser à la possibilité de vous habiller de nouveau pour le travail et de garder vos pantalons de jogging pour les fins de semaine, comme il se doit. Mais en reprenant vos déplacements quotidiens, vous pourriez de nouveau faire face aux contraintes de temps, ainsi qu’au stress et aux dépenses connexes.
« Pendant la pandémie, beaucoup de personnes ont appris à suivre une routine plus simple où elles prennent le temps de veiller à la santé et de s’occuper d’elles-mêmes, explique Mme Hood. Avant de vous lancer la tête première la dans votre ancienne “normalité,” prenez le temps de faire le point sur ce que vous avez appris sur vous-même : Qu’est-ce qui vous a donné de l’énergie, a rehaussé votre humeur et a amélioré votre santé ainsi que votre bien-être? » Selon Mme Hood, répondre à certaines de ces questions pourrait contribuer à maintenir un meilleur équilibre travail-vie personnelle à l’avenir.
Vous pourriez même retourner au travail selon vos propres conditions, tout en économisant de l’essence. M. Lanaus laisse entendre que de nombreuses entreprises commencent à trouver que la souplesse accrue et l’équilibre qu’offre le télétravail à leurs employés sont économiquement profitables. « Dans certains cas, des entreprises connaissent une productivité accrue lorsque leurs effectifs travaillent de la maison, explique-t-il. Leur productivité pourrait augmenter et de votre côté, vous pourriez économiser des centaines de dollars par mois sur votre trajet. »
M. Lanaus encourage ses clients à discuter avec leurs gestionnaires pour voir si ceux-ci pourraient leur offrir une certaine souplesse sur une base continue. Cela pourrait être avantageux pour votre santé et votre portefeuille.
Vos prochaines vacances
« J’ai hâte de dépenser de l’argent pour mes vacances. En fait, j’ai réservé un voyage dans l’Ouest tout comme un grand voyage en famille à Disney en 2022! »
– Julie
Votre écran de veille affiche-t-il une scène tropicale avec une plage et des eaux bleu azur? Au cours de la pandémie, pour beaucoup d’entre nous, c’est ce qui se rapprochait le plus d’un voyage. La fermeture des frontières est venue chambouler les plans de voyage. Le fait d’avoir été emprisonnés pendant le long et rude hiver canadien nous a fait rêver encore plus que d’habitude.
« Beaucoup de gens veulent se débarrasser de la tension nerveuse résultant du confinement et de la fatigue liée à la COVID-19 qui les ont affligés au cours de la dernière année, explique Mme Hood. Le monde est devenu beaucoup plus petit de bien des façons en raison de nos conditions de vie restreintes, et les gens ont envie du dépaysement et des expériences diversifiées qu’offrent les voyages. »
Selon M. Lanaus, le moment pourrait être bien choisi pour voir où vous en êtes sur le plan financier. Avez-vous réussi à épargner pendant la pandémie? Si vous étiez sans travail, avez-vous eu à vous endetter? Une fois que vous avez une idée de votre santé financière, vous pouvez décider des vacances qui correspondent à votre situation et déterminer jusqu’à quel point vous pouvez vous lancer dans des dépenses extravagantes. « Avoir un plan financier axé sur des objectifs et un compte d’épargne libre d’impôt peut vous aider à mettre régulièrement de l’argent de côté pour atteindre vos objectifs, à court et à long terme, et à faire fructifier cet argent à l’abri de l’impôt », explique M. Lanaus.
Revoir les amis et reprendre les activités de divertissement
« Je ne refuserai jamais une invitation à me joindre à des amis ou à de la famille dans un bar ou un restaurant et n’hésiterai pas à dépenser mon argent pour les gens que j’aime et que je n’ai pas vus depuis plus d’un an. » – Matt
Attendez-vous à suer lorsque vous retournerez au gym. Bientôt, vous pourrez vous asseoir dans des stades pour applaudir votre groupe préféré ou encourager votre équipe favorite. Même si nous sommes nombreux à être ravis de recommencer à faire ce que nous aimons, nous avons certainement été confrontés à la réalité.
« Il y a indéniablement une demande comprimée de biens et de services, affirme M. Lanaus, mais il y a aussi beaucoup de gens qui se demandent s’ils devraient reprendre leurs anciennes habitudes. Je crois qu’il y a un désir de revenir à la normale, mais je pense aussi que cette réinitialisation forcée a ouvert les yeux à bien des gens sur la façon dont ils dépensent leur revenu discrétionnaire. Le moment est peut-être propice pour établir un budget de divertissement assorti de limites et d’objectifs, afin que vous puissiez vous concentrer sur ce que vous aimez. »
À ce sujet, vos enfants ressentent probablement aussi l’isolement et anticipent le retour à des loisirs et à des passe-temps potentiellement coûteux, comme des leçons de hockey et de piano.
« Même si vos enfants ont besoin d’un certain niveau d’activité sociale et physique pour rester actifs et en santé, il n’est pas nécessaire de surcharger leur emploi du temps, explique Mme Hood. Prenez en note les activités qui vous ont permis, à vous et à votre famille, de garder le cap et de rester positifs pendant la pandémie. Demandez à vos enfants ce qu’ils ont le plus aimé de leur vie durant la pandémie, ainsi que les choses qui leur ont le plus manqué. À l’avenir, agissez de façon délibérée lorsque vous planifiez votre horaire. »
Reprendre l’épargne
« J’ai remboursé toutes mes dettes de carte de crédit l’an dernier en ne voyageant pas et en ne sortant pas pendant un an! »
– Diane
Même si vous n’avez pas éprouvé de difficultés financières pendant la pandémie, vous connaissiez probablement une personne qui s’est retrouvée dans une situation difficile. La pandémie a vraiment fait ressortir l’importance de planifier en vue des jours difficiles : des circonstances indépendantes de notre volonté peuvent influer sur notre capacité à avoir un revenu.
Que nous ayons épargné parce que nous n’avions nulle part où dépenser ou parce que nous nous sommes montrés judicieux, la pandémie de COVID-19 a marqué le début d’une ère d’épargne sans précédent pour les Canadiens. Selon Statistique Canada, le taux d’épargne des ménages a oscillé entre 0 et un peu plus de 5 % du revenu disponible entre 2016 et le premier trimestre de 2020. Au deuxième trimestre de 2020, au moment où la pandémie de COVID-19 gagnait du terrain, il a grimpé à plus de 25 %3.
Selon M. Lanaus, ces économies pourraient vous être utiles, mais vous n’avez peut-être pas besoin de conserver ce fonds d’urgence en espèces. « Selon une vieille règle, vous devriez avoir l’équivalent de trois mois de dépenses dans un compte d’épargne, dit-il. Le problème, c’est que si vous laissez des sommes non investies “au cas où”, vous pourriez rater des rendements potentiels. »
M. Lanaus recommande de rembourser toute dette à taux d’intérêt élevé que vous avez accumulée au cours de la dernière année. Selon lui, toute épargne supplémentaire peut être conservée dans un CELI, un placement accessible rapidement en cas d’urgence. Enfin, si vous avez dû renoncer à épargner en vue de la retraite l’an dernier, c’est peut-être le moment idéal pour rattraper vos cotisations à un REER. Vous pensez peut-être que mettre de l’argent de côté alourdira votre budget, mais le fait d’établir des priorités en fonction de votre situation financière actuelle pourrait vous être utile.
Au fur et à mesure des réouvertures, nous aurons tous hâte de nous faire couper les cheveux, de savourer un repas dans un restaurant avec des personnes qui nous ont manquées ou d’attendre en file pour faire un tour dans nos montagnes russes préférées. Il ne fait aucun doute que la pandémie a inculqué l’importance des plaisirs simples de la vie.
Pour ceux qui sont plus réticents à s’aventurer de nouveau dans le monde, prenez votre temps, suggère Mme Hood.
« Je recommande aux clients de commencer leur parcours de réintégration de façon graduelle, en élargissant lentement l’étendue de leurs activités et en commençant par se rendre dans des endroits familiers, mais sur une base plus régulière. »
Si vos symptômes d’anxiété ou de dépression nuisent considérablement à votre capacité à reprendre vos activités normales, communiquez avec un professionnel de la santé mentale pour obtenir de l’aide.
« Faites preuve d’indulgence envers vous-même, conclut Mme Hood. Vous avez vécu une période extrêmement difficile et il vous faudra peut-être un certain temps pour revenir à la normale. Ayez confiance. Vous êtes presque à la sortie du tunnel… et de la lumière et de l’espoir vous y attendent! »
DENISE O’CONNELL
PARLONS ARGENT ET VIE
ILLUSTRATION
VERONICA PARK
- Services économiques TD. Prévisions à long terme. 22 mars 2021. Consulté le 9 avril 2021. https://economics.td.com/ca-quarterly-economic-forecast#question2 ↩
- Dr Arthur Bregman. Cave Syndrome: The New Covid Disorder. 16 mars 2021. Consulté le 9 avril 2021. https://www.bregmanmd.com/blog/cave-syndrome-the-new-covid-disorder/ ↩
- Statistique Canada. Taux d’épargne des ménages, désaisonnalisés. 11 septembre 2020. Consulté le 9 avril 2021. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200911/cg-a002-fra.htm ↩