Conversations à avoir avec vos enfants à propos de votre succession

On ne vit pas éternellement et on ne peut rien emporter avec soi. Mais si vous n’exprimez pas vos souhaits et ne dites pas comment vos biens devront être répartis, l’harmonie familiale et la valeur de votre succession pourraient en pâtir. Vous avez travaillé fort pour bâtir votre patrimoine et voudrez probablement que les générations futures en profitent, alors voici quelques points de discussion, qui vous aideront à aborder les questions importantes.
Au moment du grand voyage, nous n’emportons pas nos biens terrestres. Il est donc recommandé de réfléchir à ce que vos avoirs peuvent offrir aux générations futures. Vous n’avez peut-être pas la certitude, par exemple, que vos enfants souhaitent reprendre l’entreprise ou la maison de campagne familiale, ou qu’ils ont l’espace pour accueillir votre immense collection de cartes de hockey. La meilleure façon de le savoir, c’est de poser la question. Personne ne veut parler… de l’inévitable, mais il est nécessaire d’avoir certaines conversations, peut-être pour préserver la bonne entente des frères et soeurs, pour mettre l’héritage à l’abri du fisc et des créanciers, et pour que vous puissiez vivre vos vieux jours comme vous le souhaitez. Un sondage mené par la TD en 2018 révèle qu’au Canada, quatre milléniaux sur dix s’attendent à recevoir un héritage ou ont déjà hérité. Dans ce groupe, 60 % des répondants s’attendent à recevoir un montant en espèces et un peu plus de la moitié pensent hériter d’un bien immobilier ou en vendre un à profit1. Domenic Tagliola, planificateur spécialiste de la fiscalité et des successions à Gestion de patrimoine TD, conseille de discuter des points qui suivent (le plus tôt sera le mieux), même si cette idée ne vous emballe vraiment pas.
1. QUI VEUT QUOI?
Exemple d’amorce de conversation « Votre père et moi sommes en train de réfléchir à la maison de campagne/l’entreprise/la collection de cartes de hockey et nous voudrions avoir votre avis sur ce que nous devrions en faire. »
Il peut sembler facile de diviser ses biens par testament. Il suffit de tout léguer à l’ensemble des héritiers et de les laisser se répartir les biens après votre décès. Ou de tout diviser par le nombre d’enfants pour que la répartition soit équitable. Ce n’est peut-être pas une si bonne stratégie. D’une part, de nombreux biens ne peuvent pas être fractionnés de façon nette; c’est le cas d’un chalet ou d’une entreprise. D’autre part, en laissant vos héritiers décider en tirant à pile ou face, vous ouvrez la porte au stress et à l’animosité. « Pour commencer, il convient d’estimer la valeur des biens que vous souhaitez transmettre, explique M. Tagliola. Demandez aux membres de la famille comment ils souhaitent que les biens soient distribués. Par exemple, qui souhaite ardemment avoir le chalet? Ensuite, essayez de fractionner vos avoirs de manière à ce que la valeur de votre succession soit répartie de manière égale. »
Si le patrimoine familial comprend un bien important, comme une maison, une répartition équitable peut être difficile. Une assurance vie permet, par exemple, de léguer une somme aux héritiers qui ne sont pas intéressés par le chalet. Une discussion avec les membres de la famille sur la répartition de la fortune familiale peut faciliter la rédaction d’un testament et préserver l’harmonie entre vos héritiers après votre décès.
2. COMMENT L’IMPÔT SERA-T-IL PAYÉ?
Exemple d’amorce de conversation « Vous savez, quand je ne serai plus là, il y aura des impôts à payer sur cette maison de campagne/entreprise/collection de cartes de hockey. Il faut qu’on parle de la façon de réduire l’impôt et de le payer. »
Oui, vous paierez de l’impôt après votre mort. Cela peut sembler injuste, mais c’est ainsi. Même si, de manière générale, l’impôt sur les successions n’existe pas au Canada, nombre de contribuables ignorent que les successions sont assujetties à l’impôt au titre de la « disposition réputée ». Cela signifie que vos avoirs sont réputés avoir été vendus à vos héritiers au moment de votre décès et que l’impôt sur les éventuels gains en capital est exigible à ce moment-là. Si la maison de campagne ou l’entreprise familiale a été bâtie de A à Z ou achetée à un bon prix il y a des décennies, les gains en capital peuvent être élevés. En fait, un chalet bien situé qui a été acheté pour quelques milliers de dollars il y a 40 ans peut s’être apprécié de plusieurs centaines de milliers de dollars. « Si, à votre décès, vos héritiers sont tenus de payer un impôt qui n’a pas été planifié, ils pourraient être obligés de vendre le bien immobilier », affirme M. Tagliola.
Parler impôt peut faciliter le processus de planification, en particulier s’il existe des facteurs pouvant compliquer les choses, par exemple si un ou plusieurs héritiers vivent à l’étranger (les règles applicables aux héritages peuvent différer d’un pays à l’autre).
3. QUI PRENDRA SOIN DE LA FAMILLE QUAND VOUS NE SEREZ PLUS LÀ?
Exemple d’amorce de conversation « Il faut qu’on décide de ce qui adviendra du petit Thomas/de grand-maman, pour le cas où l’un de nous ne pourrait plus s’en occuper. »
« La tutelle des enfants mineurs est importante, affirme M. Tagliola. Si vous ne désignez pas de tuteur pour votre enfant par testament, c’est le tribunal qui le fera. Il est important d’indiquer vos volontés. » Un testament prévoit souvent la prise en charge des enfants mineurs, mais il y a d’autres personnes pour lesquelles une planification peut être nécessaire. Vous avez peut-être aussi un enfant adulte handicapé qui a besoin d’être pris en charge, physiquement et financièrement, ou des parents âgés qui dépendent de votre soutien financier. Comme ces besoins peuvent représenter un fardeau financier important, il se peut que la répartition équitable de vos biens soit difficile. Si vous devez financer les soins à long terme d’un enfant handicapé, il se peut qu’il ne reste plus grand‑chose pour les autres. Une telle conversation vous permettra de gérer les attentes, mais aussi de trouver une manière d’être juste envers tous vos héritiers.
4. QUI GÉRERA MA VIE QUAND JE NE POURRAI PLUS LE FAIRE MOI-MÊME?
Exemple d’amorce de conversation « Il se peut qu’un jour je ne puisse plus m’occuper de mes affaires ou prendre des décisions pour moi-même. J’aimerais qu’on choisisse la personne qui prendra les choses en main. »
Il est indéniable qu’en vieillissant, nous connaissons un déclin de nos facultés physiques et mentales. Dans certains cas, nous ne pouvons plus prendre soin de nous ou de nos biens, et l’intervention d’un proche digne de confiance peut s’avérer nécessaire. Pour que quelqu’un puisse accéder à vos comptes, prendre des décisions relatives à votre santé si vous ne pouvez pas le faire vous-même et s’occuper de vos biens, vous devez désigner un mandataire au moyen d’une procuration.
La procuration est un document juridique qui confère à une autre personne le droit d’agir en votre nom. Il existe des procurations applicables aux soins de santé (décisions relatives à l’alimentation et volontés de fin de vie) et aux biens (accès aux comptes et paiement de factures). Vous pourriez donc avoir besoin de plusieurs procurations. « Il est recommandé de désigner un membre de la famille ou un ami de confiance qui se soucie de votre bien-être et de vos volontés, conseille M. Tagliola. Vous pouvez confier la gestion de vos biens et de vos soins personnels à une ou plusieurs personnes.
Il est également possible de désigner une fiducie à titre de mandataire pour l’administration de vos biens. Cela peut être une bonne option si vous estimez qu’il n’y a personne à qui confier cette tâche importante. »
COMMENT FAIRE EN SORTE QUE LES BIENS DE LA SUCCESSION RESTENT DANS LA FAMILLE?
Exemple d’amorce de conversation « J’espère que l’argent que je vais léguer peut t’aider à obtenir ton diplôme/démarrer une entreprise/investir. J’aimerais en parler avec toi et voir comment faire pour que cet argent reste ta propriété. »
Personne n’aime parler de la mort ni envisager l’échec du mariage de ses enfants. Pourtant, non seulement le divorce est monnaie courante, mais nombre de personnes sont prises de court. Selon les estimations de l’institut Vanier de la famille, au Canada, 41 % des mariages ne parviendront pas à leur 30e anniversaire2.
Si vous avez l’intention de transmettre votre patrimoine, sachez qu’un héritage peut être inclus dans une requête en divorce, sauf si vous avez pris les mesures adéquates pour le protéger des créanciers. M. Tagliola explique que « le créancier n’est pas forcément un ex‑conjoint mesquin. Il peut s’agir d’un partenaire d’affaires ou de toute autre personne réclamant le paiement d’une dette. » Il est également recommandé de protéger l’héritage d’un transfert à une tierce personne, comme le conjoint, en cas de décès de votre héritier.
En Ontario par exemple, un testament peut, selon la loi, stipuler que l’héritage (ainsi que le revenu et la plus-value qui en découlent) sera exclu de l’égalisation en cas de divorce. Toutefois, cela dépend de l’utilisation qui a été faite du don. Les règles peuvent devenir floues si l’argent hérité est utilisé pour rembourser l’emprunt hypothécaire de la résidence familiale ou s’il est dépensé au fil des années. C’est pourquoi il est souvent préférable de séparer cet argent des autres comptes et placements. Les possibilités étant nombreuses pour protéger l’héritage, faites appel à un spécialiste en droit des successions, qui peut vous aider à garder cet argent dans la famille.
Pour faciliter la discussion, vous choisirez peut-être de planifier les conversations et de définir le sujet à l’avance, ou peut-être préférerez‑vous aborder la question de façon plus informelle. Pour M. Tagliola, l’une ou l’autre de ces options convient. L’important est d’amorcer la discussion. « Les anecdotes font d’excellentes entrées en matière. Racontez l’histoire d’une connaissance ou mentionnez un article que vous avez lu. »
M. Tagliola précise que vous pourriez présenter vos enfants aux professionnels qui s’occupent de votre plan successoral, car ils peuvent aider à amorcer la discussion de manière professionnelle et rationnelle. Décidez si vous préférez parlez à votre famille en groupe ou individuellement, et si vous souhaitez une seule « grande discussion » ou une série de discussions. « Ce ne sera pas facile. Ça ne l’est jamais, admet M. Tagliola, mais si vous ne prenez pas le temps d’en parler, cela risque d’être plus difficile pour tout le monde ».
— Denise O'Connell, Parlons argent et vie
- TD, Quitte ou double : Les milléniaux jouent-ils leur avenir financier? 14 avril 2018. https://www.newswire.ca/fr/news-releases/quitte-ou-double--les-milleniaux-jouent-ilsleur-avenir-financier-690800361.html Consulté le 10 octobre 2018↩
- L’institut Vanier de la famille. La séparation et le divorce au Canada, décembre 2013. www.vanierinstitute.ca/download/5463/. Consulté le 11 octobre 2018↩