À l’âge de 28 ans, Clare Seal avait déjà accumulé une dette de cartes de crédit de plus de 40 000 $. Elle a élaboré un plan pour la rembourser, et elle a réussi. Pour rester motivée tout au long de ce parcours, elle a documenté ses accomplissements et ses revers sur Instagram, sous le nom de @myfrugalyear. Dans son premier ouvrage, Real Life Money, elle raconte son histoire et donne des conseils pour les lecteurs qui vivent la même situation. Son plus récent ouvrage présente cinq étapes pour changer notre rapport à l’argent une fois pour toutes. Selon elle, la première chose à faire serait de rompre avec l’approche moralisatrice par rapport à notre argent.
MT: Il s’agit de votre deuxième ouvrage en 18 mois. Dans le premier, que vous avez écrit à l’âge de 28 ans, vous abordiez la façon dont vous vous êtes libérée d’une dette de près de 40 000 $ (27 000 £ GBP). Qu’est-ce qui vous a motivée à écrire Five Steps to Financial Wellbeing?
Clare Seal: Je crois que la genèse de Five Steps to Financial Wellbeing vient du fait que je voulais écrire quelque chose qui ne s’adresse pas uniquement aux personnes qui se trouvent dans une situation difficile. Le livre offre une perspective un peu différente à propos de l’argent, une façon d’entretenir un nouveau rapport. Il s’agit de voir l’argent comme une monnaie servant à notre bien-être plutôt que comme une fin en soi, car ce n’est pas sain. Mais, sans l’ignorer complètement, car ça peut être malsain aussi. Donc, il faut trouver un équilibre et commencer à considérer l’argent comme un élément de notre bien-être.
MT: Vous posez la question : « Quand cessera-t-on de se faire la morale à propos de l’argent? » Pouvez-vous nous expliquer un peu pourquoi cela est devenu un tel obstacle à notre bien‑être?
CS: Tous ces discours moralisateurs sont des jugements et démontrent un manque de compréhension à l’égard des gens qui ont un peu plus de difficulté avec la gestion de l’argent, ces gens pour qui ça ne vient pas naturellement. Par exemple, en janvier, à l’âge de 32 ans, j’ai reçu un diagnostic de TDAH, après la rédaction de mon livre. Les questions que je me posais concernant mes difficultés à gérer mes finances ou encore mon rapport à la nourriture ont commencé à s’éclairer. J’avais l’impression que j’étais inadéquate en société et que tout allait à l’encontre du fonctionnement de mon cerveau. Je crois que beaucoup de personnes neurodivergentes vivent avec ce sentiment; qu’il s’agisse d’un TDAH, de l’autisme, ou les deux. Mais aussi divers types de personnalité, avec des compétences différentes. Vous savez, tout le monde est unique. Mais être « bon avec l’argent », c’est perçu comme une grande qualité. Si on dépense un peu trop ou qu’on fait moins attention, c’est notre personnalité qui est prise en défaut. Cette tendance est davantage marquée chez les personnes qui gagnent un salaire moyen et qui ne dépensent peut-être pas de la même façon que d’autres.
Ce discours moralisateur à propos de l’argent n’aide personne. Il ne fait que gonfler l’ego de ceux qui se pensent doués en gestion financière. En faisant sentir quelqu’un inadéquat dans son rapport à l’argent, dans sa façon de dépenser ou à l’égard de son niveau d’endettement, on ne peut pas inspirer des actions positives.
L’approche que je mets de l’avant dans mes ouvrages et ma pratique d’accompagnement vise toujours à aider les gens à mieux connaître leur rapport à l’argent, leur comportement et les raisons qui en découlent, ou pourquoi ils ont agi de telle ou telle façon, plutôt que de leur faire la morale. C’est la raison pour laquelle j’aime aborder ce sujet avec une approche neuroscientifique, car il n’y a plus de discours moralisateurs dans l’équation, seulement les raisons qui se cachent derrière un comportement.
MT: Vous avez parlé d’établir une relation positive entre soi‑même et l’argent, et qu’il s’agit d’un travail évolutif. Comment peut‑on créer une relation positive?
CS: Selon moi, la première étape, et elle semble bien simple, c’est de maintenir une relation constante, et non sporadique, avec l’argent. Auparavant, mon rapport à l’argent était plutôt basé sur le déni jusqu’à ce que la situation devienne vraiment problématique, puis de faire le strict minimum pour me sortir de ce bourbier.
J’ai commencé par me donner une mission claire : essayer de rembourser une partie importante de ma dette. À partir de là, j’ai tenté d’appliquer les mêmes principes à mes autres objectifs financiers.
J’essaie d’être moins perfectionniste, car dès que quelque chose n’est pas parfait, mon premier réflexe est de tout recommencer à zéro. Dans la vie, il n’y a pas tellement de choses qu’on peut recommencer du début. Certainement pas avec notre rapport à l’argent ou notre solde bancaire.
L’un des éléments importants pour moi, c’est de faire attention à mes dépenses. Donc, j’ai pris certaines mesures. J’essaie d’être plus consciente de ce que je dépense.
MT: Comment peut-on avoir plus conscience de nos dépenses, selon vous?
CS: Avant, il y avait beaucoup plus d’étapes à franchir avant de pouvoir acheter quelque chose. Il fallait aller à la banque quand elle était ouverte pour retirer de l’argent, ensuite se rendre au magasin, acheter l’article, l’apporter à la maison ou trouver une façon de le faire livrer. Lentement, au fil des ans, puis assez rapidement depuis les dix dernières années, ce processus s’est métamorphosé… je vois quelque chose, je le veux, et en quelques clics, je l’achète. Les publicitaires et les commerçants appellent ça, le retrait de la résistance. Mais, la résistance est primordiale! Nous avons besoin de temps pour prendre des décisions éclairées. La principale chose que je fais pour reconnaître la valeur de mon argent, c’est que j’essaie d’ajouter un peu de résistance. Pour ce faire, j’attends au moins 24 heures avant d’acheter quelque chose d’important. La récompense différée est un élément majeur quand on veut être conscient de nos dépenses.
Autre conseil pratique? Je ne magasine pas en ligne après 21 h, car je me connais quand je suis fatiguée. Mon jugement est un peu altéré et parfois le soir, je m’ennuie et je cherche de la stimulation. Si c’est un comportement que vous reconnaissez en vous particulièrement, vous pouvez aussi retirer de vos appareils vos renseignements de paiement rapide. Souvent, juste le temps de sortir sa carte et d’entrer le numéro, on se rend compte que l’achat n’est pas nécessaire.

MT: Un des points que vous avez présentés que je trouve très intéressant, c’est en quoi le fait d’exprimer sa gratitude devient utile pour adopter de bonnes habitudes d’épargne.
CS: Dans le livre, j’essaie de montrer que certaines des façons d’améliorer son rapport à l’argent n’ont aucun lien direct avec l’argent. Il s’agit plutôt de renforcer ce qui entoure la relation.
La gratitude est très importante, car comment peut-on sentir qu’on ne manque de rien quand on n’éprouve pas de gratitude pour ce qu’on a déjà? Tout ça, en grande partie, consiste à résister à ce style de vie qui nous emporte et qui s’intègre tout naturellement à mesure que nos carrières évoluent. On peut vraiment changer les choses en se disant : « C’est correct. J’aurais tout fait pour l’avoir il y a dix ans, mais aujourd’hui, ce que j’ai me convient. »
Après avoir accumulé une dette colossale et l’avoir remboursée, mon conjoint et moi venons tout juste d’acheter notre première maison. Un des principaux points de ma pratique de gratitude est de me dire « Wow, jamais je n’aurais cru pouvoir m’acheter une maison. Je pensais que nous n’allions jamais être en mesure de le faire. Je n’arrive pas à croire que je marche entre ces quatre murs et que, tant que je paie mon hypothèque, personne ne pourra m’évincer. »
Je trouve ça très difficile de prendre un moment pour exprimer ma gratitude. Mais chaque jour, je nomme une chose pour laquelle je suis reconnaissante à mon mari, ma sœur ou un membre de la famille. Certaines personnes se sentiront ridicules de le dire à haute voix, mais je trouve que ça aide.
MT: Pour terminer, pouvez-vous nous dire en quoi la santé financière est devenue un élément clé pour vous fixer de plus gros objectifs, ceux que vous croyiez impossibles à atteindre?
CS: Ma perspective à propos de la santé financière est en constante évolution. Je crois que c’est le cas pour tout le monde. Certains jours, j’ai un peu plus de considération pour l’argent que d’autres. Je trouve que ce sentiment de bien-être m’a permis de rembourser ma dette et de changer mes priorités. Ça m’a permis d’adopter de bonnes habitudes.
Je crois qu’on véhicule cette idée préconçue que la motivation se trouve en début de parcours, quel qu’il soit. Qu’il s’agisse d’un objectif relatif à l’entraînement, à un régime alimentaire ou à un budget, on tient pour acquis qu’il deviendra automatiquement une habitude. Mais, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi je considère les habitudes comme une étape en soi, car la motivation ne vous mènera pas plus loin. Si vous vous ennuyez ou que votre motivation est requise ailleurs, et que vous n’avez pas créé d’habitudes autour de votre objectif, vous cesserez tout simplement vos démarches.
Alors, je développe ces habitudes. Elles m’aident vraiment à passer aux prochaines étapes. Quand vous êtes au beau milieu d’une situation difficile et que la gestion financière vous pèse, vous pouvez seulement l’aborder au jour le jour. Mais une fois que vous avez de bonnes bases relativement à votre bien-être financier, vous pouvez aller de l’avant et vous fixer des objectifs.
Cette entrevue a été raccourcie et modifiée à des fins de clarté et de concision. Five Steps to Financial Wellbeing (Headline Publishing Group) sera publié en Amérique du Nord le 25 octobre 2022.
