On s’en mord longtemps les doigts quand on rate l’occasion d’investir dans une société qui va révolutionner le monde. Pour de nombreux investisseurs, il s’agit d’un rite de passage… les actions d’Apple qu’on n’a pas achetées dans les années 1980… celles d’Amazon dans les années 1990… ou encore celles de Tesla en 2010, après la sortie de sa première voiture électrique. Investir ou pas? La décision peut être déchirante. Mais heureusement, les occasions manquées aident à repérer plus facilement les prochains bons coups.
Avec tout le tapage autour de l’intelligence artificielle (IA), vous vous demandez peut-être si la société vedette du futur n’est pas déjà là. On comprend l’impatience de certains investisseurs à faire une place à l’IA dans leur portefeuille, mais les préoccupations concernant la gestion des données personnelles et la protection de la vie privée ont quelque peu tempéré les ardeurs. L’Italie a été le premier pays occidental à suspendre l’introduction de ChatGPT en interdisant le traitement des données des utilisateurs italiens. Les organismes de réglementation italiens croient que cette technologie pourrait contrevenir à la réglementation stricte de l’Europe en matière de protection des renseignements personnels. En Amérique du Nord, l’un des premiers architectes de l’intelligence artificielle a quitté son poste chez Google au mois de mai afin de pouvoir parler plus librement de ses préoccupations à l’égard de la sécurité de cette technologie. Malgré l’enthousiasme initial, une réflexion s’impose : faut-il investir dans l’IA?
Vous avez des questions? Eh bien, nous aussi. En effet, la tentation d’investir dans des technologies révolutionnaires peut être très forte. Voici quelques questions à se poser.
Qu’est-ce que l’IA exactement?
Avant d’investir dans ce secteur émergent, il est utile de comprendre ce qu’est l’intelligence artificielle et ce qu’elle n’est pas. L’intelligence artificielle est un terme général qu’on utilise, à tort ou à raison, dans de nombreux contextes. Globalement, il est question de faire effectuer par ordinateur des tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine. Les informaticiens parlent d’apprentissage automatique. La plupart des recherches dans ce domaine datent d’avant l’ère de l’ordinateur personnel, mais n’attirent l’attention qu’aujourd’hui avec l’arrivée de logiciels qui intègrent l’IA
« Il s’agit en grande partie de montrer aux ordinateurs à reconnaître des formes ou des modèles, par exemple des images de chat, dans le but d’en apprendre et d’adapter cette connaissance à d’autres fins », explique Jose Alancherry, vice-président, Gestion de Placements TD. Une fois les modèles appris, l’ordinateur peut mieux accomplir certaines tâches et peut même faire des prédictions sans programmation supplémentaire.
Quelle est la différence entre l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond?
L’exemple du chat est un cas d’apprentissage automatique : l’ordinateur reconnaît un ensemble de données structurées (des images identifiées comme étant des chats) et crée ensuite son propre algorithme pour exécuter une tâche (repérer des images de chat). Cet apprentissage automatique nécessite une intervention humaine pour peaufiner le résultat final.
L’apprentissage profond est l’étape suivante. Il s’appuie sur des réseaux neuronaux (des couches complexes d’algorithmes et d’unités de calcul qui reproduisent le fonctionnement des neurones du cerveau humain) pour traiter de grandes quantités de données non structurées afin d’apprendre sans assistance. L’apprentissage est plus long, mais permet de traiter de problèmes plus complexes.
Les termes IA, apprentissage automatique et apprentissage profond sont souvent utilisés indifféremment, mais la plupart des avancées les plus remarquables d’aujourd’hui concernent l’apprentissage profond.
Pourquoi parle-t-on tant des robots conversationnels comme ChatGPT?
ChatGPT fait beaucoup parler de lui, car il permet pour la toute première fois au consommateur de s’initier à l’IA, selon M. Alancherry. Sa capacité à converser comme un humain suscite d’ailleurs beaucoup d’intérêt. Selon une analyse réalisée par la banque suisse UBS, ChatGPT a attiré 100 millions d’utilisateurs actifs dans les deux mois à peine qui ont suivi son lancement à la fin de 2022, ce qui fait de lui le robot conversationnel à l’adoption la plus fulgurante de tous les temps.1
ChatGPT signifie en anglais Chat Generative Pre-trained Transformer, soit transformeur génératif préentraîné de conversations. En termes techniques, il s’agit d’un grand modèle de langage qui peut prédire le mot suivant dans une série de mots avec une précision réaliste. Il peut rédiger des textes de toutes formes de manière compétente, dont des récits, des chansons, des dissertations, des courriels, des rapports et des codes de programmation. Et il peut le faire dans presque toutes les langues. Vitali Mossounov, analyste des technologies mondiales, Gestion de Placements TD, s’est récemment prononcé dans Money Talk sur les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle. Vous pouvez regarder l’entretien ici.
![« Pour l’instant, aucune société [d’IA] n’a le statut de géant. » – Jose Alancherry, VP, Gestion de Placements TD](https://www.moneytalkgo.com/wp-content/uploads/2023/05/AI_TD-MT-DIY_PULLQUOTE_FR.png)
Tout cela est intrigant. Comment peut-on alors investir dans l’intelligence artificielle?
C’est un peu comme demander : « Comment peut-on investir dans Internet? » L’intelligence artificielle ne se résume pas à une seule technologie, et certainement pas à une seule application. Cela dit, on pourrait envisager comme stratégie de placement de tenir compte de l’impact négatif comme de l’impact positif de l’IA. Une approche consiste à examiner les sociétés existantes qui pourraient jouer un rôle secondaire dans le développement de la technologie de l’IA. C’est ce qu’on appelle parfois la stratégie des pics et des pelles. (vers la fin des années 1800, lors de la ruée vers l’or du Klondike, les commerçants qui vendaient des pics et des pelles prospéraient souvent mieux que les prospecteurs aurifères eux-mêmes).
Par exemple, certaines des sociétés à la pointe de la technologie des semi-conducteurs pourraient profiter de la situation, puisqu’un plus grand nombre de sociétés s’intéressent à l’intelligence artificielle et que l’apprentissage profond nécessite de puissantes unités de traitement graphique. « Toute société qui exerce ses activités dans la technologie des puces électroniques de pointe au niveau de la chaîne d’approvisionnement des semi-conducteurs pourrait faire partie des premières bénéficiaires », indique M. Alancherry. Il fait remarquer qu’il en va de même pour les sociétés qui construisent des infrastructures de superordinateurs.
Pour les bénéficiaires de deuxième ligne, on peut parler de sociétés qui exploitent l’IA en vue de créer de nouveaux logiciels ou du nouveau matériel qui améliorent considérablement le travail, la santé ou un autre élément de la vie quotidienne. C’est un aspect de l’IA qui inspire beaucoup d’enthousiasme, mais dont les bénéficiaires sont justement plus difficiles à prédire. L’avantage aujourd’hui par rapport à il y a 20 ans, c’est le petit nombre de sociétés dans lesquelles il est possible d’investir. « Les sociétés qui ont un avantage technologique évident à l’heure actuelle sont susceptibles de le conserver au moins à court terme, affirme M. Alancherry. Il y a une meilleure protection qualitative. » Il affirme toutefois que de nouvelles sociétés dont on n’a pas encore entendu parler pourraient voir le jour.
Y a-t-il une part de frime dans tout ça?
« Il n’y a pas de société qui sorte du lot, affirme M. Alancherry. Il faut donc affecter son capital-risque en conséquence. » Il sera aussi question de sociétés qui utilisent l’IA pour optimiser leurs processus et améliorer leur rentabilité. Selon M. Alancherry, cette catégorie pourrait être plus difficile à cerner, car on pourrait choisir de garder ses avantages concurrentiels secrets. Il ajoute que les investisseurs ont intérêt à garder l’esprit ouvert quant aux qualités transformatrices potentielles de l’IA en entreprise.
Bref, il y aura des sociétés qui vendront l’IA et d’autres qui s’en serviront. Dans les deux cas, il est essentiel selon M. Alancherry de prendre le temps de bien comprendre l’utilisation qu’en font les sociétés. Les sociétés novatrices prendront rapidement de l’expansion, mais il est important de chercher des preuves tangibles et d’éviter de se fier uniquement à l’opinion des autres.
Quels sont les secteurs qui ressentiront les effets de l’IA en premier?
Au bout du compte, l’intelligence artificielle pourrait toucher un grand nombre de secteurs, voire la plupart d’entre eux. « Pour les processus répétitifs que beaucoup de personnes trouvent banals, ces outils sont très efficaces » affirme M. Alancherry. Il cite les soins de santé comme étant l’un des domaines où l’IA peut avoir des applications très rapides et concrètes.
« La recherche de nouveaux médicaments, c’est une question d’essais et d’erreurs. Il s’agit souvent d’effectuer des essais et des études poussés en vue d’évaluer des combinaisons de molécules », explique-t-il. L’intelligence artificielle peut accélérer considérablement ce processus en simulant les résultats et en réduisant le champ de travail. « L’intelligence artificielle permet d’éliminer la majeure partie des impasses et de mettre les produits sur le marché plus rapidement. Les sociétés à l’avant-garde de l’innovation médicale devraient en profiter directement. » Par exemple, certaines sociétés pharmaceutiques se tournent vers l’IA pour les produits biologiques et la découverte de médicaments, tandis que d’autres l’utilisent pour détecter de subtils changements dans les paramètres vitaux du patient afin d’alerter le médecin de problèmes de santé potentiels.
Que peut-on apprendre des révolutions technologiques précédentes?
« Méfiez-vous du battage médiatique, prévient M. Alancherry. On a facilement des attentes démesurées par rapport aux nouvelles technologies et leur capacité de transformer le monde du jour au lendemain ».. La déception est souvent grande quand cela ne se produit pas. « Cependant, on sous-estime aussi le changement sur le long terme. La technologie continue de progresser en arrière-plan. »
Il ne suffit pas que la technologie existe pour créer des occasions d’affaires viables. La phase de transition en entreprise est toujours désordonnée, il y aura donc un certain décalage et des perturbations. En fait, il est difficile de visualiser complètement toutes les occasions à venir.
Il y a largement le temps d’explorer les possibilités d’investir dans l’IA. « Nous sommes dans la phase initiale où tout le monde est hyper enthousiaste, mais le processus sera tout de même progressif, affirme M. Alancherry. Il s’agit de nouvelles frontières technologiques, et il faudra du temps avant qu’elles ne se cristallisent pleinement dans notre quotidien. »
Que nous révèle ChatGPT?
Comme cet outil sert à répondre aux questions, nous lui avons posé la question suivante : « Comment puis-je investir dans l’intelligence artificielle? » Voici sa réponse :
Investir dans l’IA peut être une occasion lucrative pour ceux qui s’intéressent aux technologies émergentes.
Menez des recherches approfondies sur les sociétés participant à l’expansion de l’IA.
Recherchez des sociétés qui ont de solides antécédents et des perspectives d’avenir prometteuses.
Consider potential risks and market volatility associated with this emerging technology.
C’est un bon conseil pour tout placement et, en matière d’intelligence artificielle, ce n’est qu’un aspect de la chose. La qualité de l’intelligence artificielle est tributaire de l’information qu’elle peut trouver en ligne. Si vous voulez vous démarquer des autres dans ce secteur, vous devrez quand même faire vos propres recherches, manuellement.
- Krystal Hu, “ChatGPT sets record for fastest-growing user base – analyst note,” Reuters, February 2, 2023 https://www.reuters.com/technology/chatgpt-sets-record-fastest-growing-user-base-analyst-note-2023-02-01/ ↩