Susan avait posé à côté du lit d’hôpital de sa mère une photo sur laquelle elle était rayonnante pour rappeler au personnel – et peut-être aussi à elle-même – qu’elle avait été une femme autonome et pleine de vie, pas seulement une femme de 83 ans avec des problèmes de mémoire et une hanche cassée.

Pour elle, aider Dede a été difficile, mais inspirant. « C’est tellement une bonne personne », confie-t-elle. Et malgré les fragilités liées à son âge, sa joie de vivre transparaît.

Avant son récent séjour à l’hôpital, ses problèmes cognitifs restaient gérables. Mais tout a changé à la suite de sa chute qui a nécessité une hospitalisation. Susan s’est bien sûr inquiétée avant tout de l’état de santé à court terme de sa mère – d’autant que, selon les statistiques, l’espérance de vie peut diminuer de près de 20 % après une fracture de la hanche1 – mais elle a ensuite dû réfléchir à la suite des choses : est-ce que sa mère pourrait continuer à vivre chez elle toute seule, qu’est-ce qu’il fallait prévoir en termes de frais, de logistique et de stress?

« La plupart des résidences pour personnes âgées de ma région coûtent entre 3 000 $ et 5 000 $ par mois, sans compter le travail thérapeutique sur la mémoire ou la présence d’une personne qui s’assure qu’elle prend bien ses médicaments. ». Susan savait que Dede pourrait avoir rapidement besoin de soins de longue durée et se demandait comment elle pourrait se rendre à tous ses rendez-vous médicaux et sociaux. Ce qui la tracassait le plus, c’était la qualité de vie de sa mère.

Vos parents ont passé leur vie à subvenir à vos besoins. Maintenant qu’ils sont plus âgés, c’est peut-être vous qui allez les aider à gérer leurs finances. Nicole Ewing, directrice, Planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD, se joint à Kim Parlee pour discuter de certaines façons dont vous pourriez aider vos parents sans compromettre votre propre avenir financier.

Susan a pu constater combien, à notre époque, la responsabilité de prendre soin de parents âgés est stressante à bien des égards. Le choc de voir un de ses parents tomber subitement malade peut s’accompagner d’une prise de conscience tout aussi bouleversante de tout ce qu’il y a à gérer en matière de soins de santé pour les aînés, de logement, de frais et de questions juridiques.

Selon Domenic Tagliola, planificateur spécialiste de la fiscalité et des successions, Gestion de patrimoine TD, l’un des défis pour les enfants peut être de savoir à quel moment ils doivent s’impliquer dans ces enjeux. Établir une procuration – l’autorisation légale d’agir au nom d’une personne – pour gérer les affaires de ses parents âgés peut être délicat. Beaucoup d’enfants ne s’en mêlent pas tant que ce n’est pas absolument nécessaire, mais ce n’est peut-être pas la bonne approche.

« Quand les enfants vivent loin, ce n’est pas toujours facile pour eux de se rendre compte qu’il est temps pour leurs parents de changer de milieu de vie, souligne-t-il. Souvent, ce ne sont pas les enfants qui remarquent un changement dans l’état de santé de leurs parents. Parfois, ce sont des amis, des voisins ou des membres d’un groupe de prière qui se font la réflexion que l’état de santé de telle ou telle personne se détériore. »

Si vos parents sont âgés ou très âgés, il existe des outils pour faciliter cette transition. En outre, vous pouvez commencer à planifier aujourd’hui en vue des décisions importantes qui devront être prises plus tard. Voici quelques avenues possibles.

Élaborez un plan adapté aux besoins de vos parents

Le plus dur est de connaître leurs difficultés en matière de santé, de finances et de sécurité et de trouver des outils pour vraiment les aider. Si votre père a des problèmes cognitifs, ses facultés ne se dégraderont pas forcément de façon linéaire. Il pourrait y avoir des jours où il a toute sa tête, ce qui complique l’évaluation du type de soutien qu’il lui faut. Sans compter que le soutien qui lui sera apporté pourrait lui sembler honteux ou envahissant. Par ailleurs, il est possible que vos deux parents ne vieillissent pas au même rythme. Si le plan est de vendre leur maison pour financer les soins de santé de votre père, qu’est-ce qu’il se passera pour votre mère qui préférerait peut-être continuer à vivre chez elle tant qu’elle a la santé et qu’elle travaille encore?

Étudier ces scénarios avec des spécialistes des finances peut aider à anticiper ce genre de problème.

Parler de l’avenir ensemble

Il peut être difficile, voire présomptueux, de vous mettre à gérer les affaires de vos parents, surtout s’ils ont consacré leur temps et leur argent à le faire pour vous. Mais en posant les choses clairement – en discutant de l’évolution probable de leur santé, du style de vie qu’ils souhaiteraient et des choses à mettre en place pour que ce soit possible –, vous serez plus à même de prendre les dispositions nécessaires pour leur offrir le meilleur soutien possible.

Les préoccupations qui reviennent le plus souvent sont de savoir si les parents ont assez d’argent pour être à l’aise pour leurs vieux jours et une littératie financière qui leur permet de gérer leurs propres affaires.

Il peut être malaisant d’aborder certains de ces sujets et vos parents pourraient hésiter à vous parler de leur situation financière pour diverses raisons. Domenic Tagliola suggère de faire appel à des spécialistes des enjeux financiers ou juridiques qui seront en mesure de répondre à leurs questions et de les rassurer. « Tout le monde n’est pas forcément très à l’aise de parler de sa situation financière avec ses enfants. Ça peut être gênant ou on peut ne pas avoir envie de révéler dans quoi on dépense. Toutefois, il peut être bon de souligner que si les choses sont claires, il sera plus facile de bien planifier les soins. »

Prévoir des procurations

La procuration est un outil essentiel pour protéger vos parents en cas d’incapacité. Elle permet à un proche – le mandataire – de gérer leurs affaires, de payer leurs factures et de prendre des décisions pour eux. Il est conseillé aux parents d’en établir une et de la mettre à jour régulièrement en fonction des événements. M. Tagliola explique que si une personne a signé une procuration il y a plusieurs dizaines d’années et a depuis déménagé depuis dans une autre province, elle doit en établir une nouvelle qui soit valide dans le territoire de compétence où elle vit.

Selon lui, ce que les parents doivent retenir en rédigeant la procuration, c’est que tous leurs besoins doivent y être détaillés, afin que non seulement leurs besoins essentiels soient comblés, mais qu’ils puissent aussi profiter de la meilleure qualité de vie possible. Si un parent souffre d’une incapacité physique ou mentale, il aura besoin d’un logement et de soins adaptés, mais il faudra aussi qu’il puisse continuer à fréquenter son cercle d’amis, à avoir des loisirs, à se faire couper les cheveux ou à se faire faire une manucure.

Établir une stratégie pour le logement et les finances

Il y a de nombreux éléments à prendre en considération quand on réfléchit au type de logement pour une personne âgée, indique M. Tagliola. Il peut s’agir de sa sécurité et de son confort dans l’environnement où elle vit, des coûts qui y sont associés et de la proximité physique des membres de sa famille et des services de santé. Tout naturellement, de nombreuses personnes veulent avoir leur mot à dire sur l’endroit et sur la façon dont elles vivent – par exemple, beaucoup d’aînés peuvent être réticents à l’idée de quitter leur maison –, mais il est important de se réunir en famille et de s’entendre sur ce qui est le mieux pour elles, si elles ne sont pas en mesure de se débrouiller par elles-mêmes. Il existe toutes sortes de résidences pour personnes âgées, des maisons de retraite qui offrent un large éventail d’options de soutien facultatives aux établissements de soins de longue durée avec une surveillance 24 heures sur 24.

Malheureusement, la hausse du coût de la vie au Canada a aussi touché le logement des aînés : l’hébergement standard (sans soins quotidiens très poussés) coûte en moyenne 3 075 $ par mois, et il y a des écarts importants selon les régions2. Quelle que soit la décision que vous prenez, il faut que le financement suive. Un enfant adulte pourrait devoir aider ses parents à gérer leur argent et peut-être même vendre leur maison ou d’autres biens pour pouvoir payer l’hébergement souhaité. Selon Domenic Tagliola, il est préférable de commencer à s’intéresser assez tôt aux finances de ses parents, pour s’assurer que leur épargne sera suffisante pour assumer les coûts de leurs soins de santé et de leur logement.

Aider vos parents à s’adapter

Les enjeux sont nombreux pour les enfants adultes qui doivent s’assurer que leurs parents sont logés adéquatement et qu’ils mangent bien; ils doivent en plus anticiper les problèmes qui pourraient avoir un impact sur leur vie.

Pensez à la vitesse à laquelle la technologie évolue et à l’importance qu’elle occupe dans la vie quotidienne. Vos parents risquent-ils d’avoir de la difficulté à transférer de l’argent, à suivre les rappels de leurs rendez-vous médicaux ou à utiliser la télécommande de leur téléviseur?

Ce n’est pas un hasard si les fraudeurs ciblent les personnes âgées, que ce soit en leur présence ou en ligne : il n’est pas rare que des aînés se retrouvent coupés de leur communauté, de leurs amis et de leurs habitudes. Bon nombre d’entre eux sont mal informés sur les fraudes et, peut-être en raison de leur solitude ou de leur déclin cognitif, sont plus susceptibles d’interagir avec des personnes mal intentionnées. Il est important de veiller à ce que vos parents restent vigilants, qu’ils gardent un contact social et qu’ils fassent de l’exercice physique chaque jour. Aider vos parents à inscrire une personne de confiance auprès de leur banque est un bon moyen de prévenir les fraudes. Il s’agit de remplir un document autorisant la banque à communiquer avec un ami ou un membre de la famille si elle a des raisons de penser qu’ils sont peut-être victimes d’une fraude ou si elle remarque des activités financières inhabituelles.

Heureusement pour Dede, elle s’est rétablie au-delà des attentes. Elle a pu rentrer chez elle et, même si sa convalescence va être encore longue, elle va pouvoir garder une autonomie partielle.

Susan a quelques conseils à donner aux personnes qui s’inquiètent de la situation de leurs parents qui vieillissent. Tout d’abord, elle vous invite à chercher les soins de santé dont ils ont besoin auprès d’un service fiable. Le pharmacien de Dede connaît son histoire, ce qui rassure beaucoup Susan. Elle ajoute qu’on peut apprendre des expériences des autres dans leurs démarches financières, médicales et légales. « Savoir ce que d’autres ont fait pour leurs parents peut vous éviter de vous noyer dans des systèmes assez opaques. Il faut vous monter de petites équipes de personnes qui s’y connaissent pour vous guider. »